Véra, sa fille Nina, et sa petite-fille Guili sont déchirées depuis toujours par un terrible secret. Guili veut réaliser un film sur sa grand-mère, elles partent alors en Croatie, le pays natal de Véra, accompagnées de Nina. Que s'est-il réellement passé lorsque Véra a été condamnée à des travaux forcés sur une île-goulag par la police secrète de Tito ? Elles cheminent sur les traces de ce destin tragique, lorsque l'Histoire force les individus à faire des choix impossibles.
Connaît-on jamais nos voisins ? Dans cet immeuble de Tel-Aviv, rien n'est moins sûr. Pris entre désirs inassouvis et questions de principe, les personnages se débattent avec des luttes internes profondes qui semblent toujours les dépasser. Arnon, ancien militaire, bascule dans l'obsession lorsqu'il échoue à comprendre ce qu'il s'est passé entre sa fille de sept ans et son voisin de palier à la retraite.
Décidé à percer ce mystère qu'il semble être seul à interroger, il est prêt à tout, même au pire. Pendant ce temps, à l'étage supérieur, Hani, dite "la veuve" , s'ennuie de son mari toujours absent. C'est sans doute pour cela qu'elle ne résiste pas longtemps aux charmes de son beau-frère, un escroc recherché par la police. Au troisième et dernier étage vit Déborah, une juge à la retraite. Isolée depuis la mort de son mari, elle repense à son fils à qui elle ne parle plus depuis plusieurs années.
Dans un sursaut, elle décide de sortir de son appartement et de se mêler aux mouvements de protestation qui parcourent la ville. Paranoïaques et tourmentés par leur conscience, Arnon, Hani et Déborah se croisent dans cette fresque douce-amère. L'auteur y esquisse le portrait d'une société meurtrie par les affaires politiques et traversée par une profonde crise identitaire.
Rachele est en colère contre son père qui ne veut pas qu'elle tienne le rôle de Marie dans la représentation de la Nativité de l'école, à la veille des vacances. Car Rachele, 12 ans, est juive. Elle vit dans une grande ville du Nord de l'Italie, son père est avocat, tout comme son grand-père. Ce dernier se montre certes plus compréhensif face au désir de sa petite-fille, mais la situation se complique quand Rachele comprend que son père, qui vient de subir des examens médicaux, est sans doute gravement malade. En parlant avec les différents membres de sa famille et notamment sa grand-mère, la fillette commence à saisir les enjeux de la question qu'elle a soulevée par rapport à l'histoire familiale. Elle se décide alors à demander un autre cadeau de Noël à son père...
Yaïr Mozes, célèbre réalisateur israélien au crépuscule de sa vie, est convié à une rétrospective en son honneur à Saint-Jacques-de-Compostelle. En compagnie de Ruth, l'actrice qui fut jadis sa muse, il revoit ses oeuvres de jeunesse. L'épreuve est troublante pour le vieil homme qui croyait avoir fait le deuil paisible de ses émotions. Au coeur de ce voyage dans le passé, un énigmatique tableau, accroché au-dessus du lit que Mozes et Ruth partageront chastement : une Charité romaine, où l'on voit une jeune femme allaiter un vieillard emprisonné.
Qui écrit le scénario de nos existences ? Et si la vie n'est qu'un songe, peut-on in extremis en corriger les faux raccords, tel un film sur une table de montage ? Dans ce roman pétillant d'intelligence, l'un des plus grands écrivains israéliens scrute l'âme d'un homme qui se demande "comment ne pas renoncer au désir pendant le peu de temps qui nous reste".
Un écrivain israélien à succès qui ressemble étrangement à l'auteur a accepté de répondre aux questions d'internautes sur ses livres. Chaque interrogation l'amène à s'ouvrir sur le couple qu'il forme avec Dikla, à avouer ses relations compliquées avec ses enfants ou encore à partager ses angoisses pour son meilleur ami, Ari, atteint d'un cancer. Sa vie tombe en ruine et ce questionnaire lui permet d'en parcourir les méandres, tissant la toile de sa propre histoire, au sein de laquelle il va et vient dans le temps, laissant progressivement apparaître les instants décisifs.Dans ce roman tout en finesse, le narrateur livre, avec humour, une analyse désabusée de ce qu'il est et de son incorrigible besoin de transformer la réalité en fictions. En nous plongeant dans le quotidien de cet écrivain, Eshkol Nevo met en lumière des moments ordinaires qui nous touchent en plein coeur.
Immense romancier, David Grossman est aussi un intellectuel d'une rigueur morale infaillible et d'une profonde humanité, dont la voix puissante ébranle régulièrement l'opinion israélienne et internationale. Pour preuve, les onze interventions réunies dans ce volume, qui résument dix ans d'écriture et d'engagement.
Au fil des nombreux thèmes abordés - la recherche inlassable de la paix entre Israël et les Palestiniens, les effets dévastateurs de la guerre sur la société israélienne, le terrorisme, la Shoah et son empreinte persistante sur l'âme juive -, Grossman nous entraîne dans les coulisses de son oeuvre littéraire, nous dévoilant combien celle-ci se nourrit du quotidien et de la « situation » (euphémisme israélien pour désigner le conflit au Proche-Orient) ; et, inversement, comment le deuil, l'angoisse existentielle et la violence sous toutes ses formes l'ont incité à écrire.
Au coeur de la réflexion de l'écrivain, une métaphore récurrente, aussi poignante que riche de résonances : la maison - et l'urgence, pour chacun, de retrouver le sens d'un foyer commun, dont les murs seraient synonymes non plus de séparation mais de rapprochement, d'harmonie, d'échange et de fraternité.
Traduit de l'hébreu par Jean-Luc Allouche et Rosie Pinhas-Delpuech.
Qu'est-ce qu'un Arabe israélien ? Une contradiction vivante.
En s'expatriant aux États-Unis avec sa femme et leurs enfants, le héros de ce roman pensait résoudre le problème une bonne fois pour toutes. Mais sa nouvelle vie est hantée par ses souvenirs de jeunesse, et le mal du pays ne le quitte plus.
Rappelé d'urgence en Israël au chevet de son père hospitalisé pour un infarctus, il se trouve soudain confronté aux multiples mensonges dont sa vie est tissée. Devenu « nègre », spécialisé dans la rédaction d'autobiographies, il ne cesse en effet de mêler sa propre histoire à celle de ses clients, au point que le réel et l'imaginaire se confondent dans son esprit. Sa jeunesse a-t-elle vraiment été l'âge d'or qu'il décrit ? Comment peut-on demeurer attaché à un pays qu'on a fui volontairement ?
Sayed Kashua explore cette situation riche en paradoxes dans un roman déchirant bien que non dépourvu d'humour. Car l'ironie est parfois le seul remède à la mélancolie.
- Beaufort, citadelle construite par les croisés au Sud-Liban, est une enclave israélienne en territoire ennemi. Le journal d'Erez, officier loyal de 22 ans, revient sur les deux années 1999 et 2000 de la " sale guerre " du Liban - commencée en 1982 pour s'achever en mai 2000 avec l'évacuation totale des troupes sous les bombardements du Hezbollah. Aux commandes d'une quinzaine de recrues, il relate l'enfer du quotidien, au coeur de l'univers clos de la garnison, et son lot de doutes, de peur, de courage et d'héroïsme.
- Écrivain israélien né en 1976, Ron Leshem a d'abord mené une activité d'éditeur, de journaliste et de présentateur TV avant de publier un premier roman au succès fulgurant, Beaufort.
Mochik s'appelle Ben-Tsouk depuis qu'il s'est installé à Safed en Galilée, la ville des Sages de la Cabale. Il est revenu à la religion, mais il n'est plus très heureux en amour avec son épouse, pas plus que le maire de la ville, Danino, qui lui délègue la construction d'un bain rituel dans un nouveau quartier de la ville. C'est dans ce lotissement un peu excentré que sont venus habiter Anton et Katia, de nouveaux immigrants russes à la retraite. Eux sont très éloignés de la religion et ne savent même pas à quoi sert un bain rituel, mais ils seraient plutôt heureux en ménage s'il n'y avait pas les érections perdues d'Anton. Naïm est un jeune Arabe israélien, chargé de sortir ce mikvé de terre. Il est lui aussi à la recherche de l'âme soeur, mais quand il aperçoit à travers ses jumelles d'ornithologie deux militaires de la base toute proche en train de faire l'amour, il s'attire des ennuis qui vont l'éloigner de ce rêve. Jusqu'à la rencontre avec Diana, une touriste américaine.Quant au riche Jeremiah Mendelstrum, américain lui aussi, et à l'origine de la construction du mikvé par sa décision de faire un legs à la ville de Safed en mémoire de son épouse décédée, il se demande si un autre amour est possible après le deuil, et quand sa professeure de clarinette Yona lui propose de l'accompagner en Israël pour l'inauguration du mikvé, la question devient très concrète.Entretemps Yahélet, le grand amour de jeunesse de Mochik, est elle aussi venue s'installer à Safed où on lui propose précisément de travailler à ce bain rituel fraîchement construit. Ses retrouvailles avec Mochik sont tout aussi agitées que l'inauguration du mikvé qui tourne au fiasco. Tous les personnages de ce roman d'Eshkol Nevo espèrent connaître ces jours de miel que le grand amour nous offre, mais en attendant, ils font ce qu'ils peuvent. et leurs aventures truculentes nous sont contées avec une verve incandescente. Eshkol Nevo nous offre dans ce nouveau livre traduit en français une intrigue d'une exceptionnelle drôlerie, une ronde vertigineuse des coeurs où on se cherche autant que l'on se fuit, sans pour autant négliger d'ancrer sa narration dans une observation très précise des moeurs contemporaines. En toile de fond, la sociologie israélienne - entre religieux et laïcs, Israéliens nés dans le pays et nouveaux immigrants, Juifs et Arabes - donne une profondeur de champs supplémentaire à un récit haut en couleurs.
Les époux Yassine, un couple d'Arabes israéliens qui ne peut pas avoir d'enfant, déposent une demande d'adoption auprès des services sociaux. Leur demande est acceptée mais ils n'ont d'autre choix que d'adopter un garçon de huit ans, Nathanaël. Mais le garçon est autiste. Quand il sort de son mutisme, il chante à tue-tête "Lucy in the sky with diamonds".
Des cousins de Nathanaël viennent trouver les époux Yassine, en leur expliquant qu'il est né dans une famille juive ultraorthodoxe.
Par les yeux d'une femme à la candeur touchante, Daniella Carmi dresse un portrait loufoque de la société israélienne. Elle réussit l'exploit de faire rire et pleurer en faisant se rencontrer des Arabes israéliens, des Juifs ultraorthodoxes, des homosexuels, des immigrés juifs de Russie.
Quand Mani Péleg disparaît quelque part en Amérique latine, son fils Dori, jeune père de famille en crise, saisit sa chance. Qui d'autre que lui pourrait partir à la recherche de son père, ancien héros de guerre et éminent conseiller économique, dont les dernières nouvelles laissent entendre qu'il n'a plus toute sa tête?
Au même moment, la jeune journaliste Inbar quitte Berlin, où elle a vainement tenté de se rapprocher de sa mère avec qui les liens s'étaient distendus après le suicide de son frère. Mais au lieu de rentrer en Israël auprès d'un mari qu'elle n'aime plus vraiment, Inbar embarque sur le premier vol en direction de l'Amérique du Sud.
Dori et Inbar vont se croiser, s'apprivoiser, puis retrouver Mani et son utopie de Neuland, une nouvelle terre d'accueil pour les émigrants du monde entier, tout comme la Palestine des années trente attirait les Juifs d'Europe Centrale. C'est Lili qui se fait la narratrice de cette époque : sur le bateau en direction de la Palestine où l'attend son fiancé, elle tombe amoureuse de Fima, le grand-père de Dori.
Neuland, porté par un souffle romanesque impressionnant, nous raconte l'histoire de ces vies qui auraient pu prendre un tout autre cours, le destin de ces utopies que l'on n'ose pas, tout comme la force de nos désirs et de nos regrets.
A peine rentré d'une période de réserve dans l'armée, Tal Chani reçoit un appel de l'Agence Juive qui l'invite à participer à un Festival de culture israélienne. Il n'a qu'une envie, retourner à sa vie civile, à son travail dans la publicité, à son premier roman qui vient de paraître, mais il finit par se laisser convaincre. Après tout, la manifestation à laquelle il doit participer a lieu à Dniestrograd, sa ville natale. Car Tal Chani n'a pas toujours été israëlien : Soviétique, du temps où il s'appelait Anatoly Schneidermann. Tal sait que tout retour en arrière est impossible, mais il a néanmoins le sentiment de rentrer à la maison. Les souvenirs affluent avant même l'atterrissage en Ukraine...
Noga, harpiste israélienne de l'Orchestre municipal d'Arnhem, aux Pays-Bas, s'apprête à jouer en soliste le Concerto pour flûte et harpe de Mozart, le couronnement de sa carrière. Il lui faut y renoncer lorsque son frère Honi la supplie de revenir à Jérusalem pour occuper le vieil appartement familial afin qu'il ne soit pas récupéré par ses propriétaires avides durant l'absence de leur mère, partie vivre dans une maison de retraite de Tel-Aviv. Lorsque Noga s'installe, son frère lui déniche des rôles de figurante. Elle se prend au jeu, passe de rôle en rôle, libre de toute attache, curieuse de renouer avec un pays et des compatriotes oubliés dans son confortable exil néerlandais. Elle découvre un quartier métamorphosé par les juifs orthodoxes, retrouve un ancien voisin religieux, fait la connaissance d'Eléazar, inspecteur de police à la retraite, éternel figurant du cinéma local, soupirant paternel et platonique. Et voilà que soudain, son passé la rattrape en la personne d'Ourya, son ex-mari...
Qui suis-je ?L'Avocat, un homme de loi arabe, installé dans la partie juive de Jérusalem, découvre dans un livre acheté chez un bouquiniste - La Sonate à Kreutzer de Tolstoï - un billet d'amour écrit de la main de sa femme. Son destinataire ? Sans doute ce " Yonatan " dont le nom figure sur la page de garde... Cette découverte fait naître en lui une jalousie impossible à maîtriser et le pousse à négliger son cabinet prospère pour retrouver celui qu'il soupçonne être l'amant de sa femme. Parallèlement à son enquête, on suit le parcours d'un jeune Arabe, Amir Lahav, assistant social, engagé pour s'occuper d'un jeune homme, paralysé, réduit à l'état végétatif à son domicile, qui s'appelle Yonatan. Un glissement d'identité s'opère peu à peu : Amir Lahav, l'Arabe, devient Yonatan Forschmidt, Juif ashkénaze, " bien sous tous rapports "... et photographe de talent.Le dénouement est dans la veine habituelle de Sayed Kashua : un ultime rebondissement complique l'intrigue. En effet, rassuré par la confession d'Amir qui reconnaît avoir connu Leïla lorsqu'ils travaillaient dans le même service social, l'Avocat découvre dans une exposition des photos de Yonatan-Amir un cliché qui met à bas le " happy end " escompté...Tout ce roman est bâti sur la course éperdue des deux principaux protagonistes en quête de leur vérité, de leur réelle identité, mais aussi de la nature de l'amour, de la vie conjugale, de l'amitié, des destins croisés par la main diabolique du hasard. Sur un mode policier, avec l'humour sardonique propre à Kashua, le récit noue et embrouille les fils de l'écheveau, brouille les personnages (" Qui est arabe, qui est juif ? ", comme sur les photos de Jonathan, puis d'Amir).
En 1998, quatre amis trentenaires suivent la Coupe du Monde de football à la télévision. Regarder ces matches ensemble, Youval, Amihaï, Ofir et Churchill l'ont toujours fait, depuis leur adolescence à Haïfa. Du coup, pendant la finale, l'idée surgit d'en faire un jeu, en utilisant ce rendez-vous rituel comme un point de mire, et de noter sur des bouts de papier les désirs et les ambitions qu'ils aimeraient avoir satisfaits quatre ans plus tard, lors de la Coupe du Monde suivante.
Rien ne se passera comme prévu. Churchill, le plus ambitieux des quatre, se trouve au centre d'un scandale qui met en péril sa carrière de juriste, tandis qu'Ofir, le jeune loup de la publicité, se transforme en chantre de la médecine alternative après un séjour en Inde. Amihaï est engagé presque malgré lui dans un combat humanitaire après la mort brutale de sa femme, alors que Youval, solitaire et indécis, se fera le chroniqueur de ces années où les choix de vie sont décisifs.
Avec un sens certain du tragi-comique et une grande justesse de ton, Eshkol Nevo écrit non seulement sur la société israélienne d'aujourd'hui, mais aussi sur la fragilité de nos existences et la beauté de l'amitié.
Yasmine d'Eli Amir est un roman qui se déroule au lendemain de la guerre des Six Jours de 1967. Le narrateur, Nouri Amari, est le jeune conseiller aux affaires arabes d'un ministre israélien. Né en Irak, arabophone, sa culture et sa sensibilité le portent à comprendre les détresses de la population arabe de la partie orientale de Jérusalem nouvellement occupée, où il a été affecté. Très tôt, par ses contacts avec Abou George, journaliste chrétien palestinien et propriétaire d'un restaurant, Nouri fait la connaissance de la fille de ce dernier, Yasmine, de retour de ses études à Paris. Ce qui devait arriver arriva... Amour au premier regard : refusé, contrarié, accepté, et impossible. D'autres protagonistes animent cette fresque romanesque : Michèle, psychologue formée à la Sorbonne. Kobi, frère de Nouri, agent du Mossad. Hazkel, son oncle, emprisonné à Bagdad, et mystérieusement libéré. Le « ministre délégué », pompeux visionnaire de la colonisation des territoires palestiniens. Ghadid, bergère que Nouri a rencontrée pendant son service militaire, assassinée dans un « crime d'honneur ». Et tant d'autres, dont les destins se croisent ou se heurtent. Yasmine est le constat désabusé de l'impossibilité de concilier l'inconciliable : malgré son respect des Arabes, sa sympathie à leur égard, le fossé entre Juifs et Arabes demeure trop profond pour Nouri. Ce roman réaliste sert aussi de miroir pour notre époque : il nous aide à comprendre la genèse de la première puis deuxième intifada et les ravages actuels du conflit israélo-palestinien sur les deux sociétés antagonistes.
Alouchinka, fille de rescapés juifs d'Europe de l'Est, raconte le difficile retour à la vie de ses parents venus chercher dans le tout jeune État d'Israël un refuge où reconstruire leur existence ravagée.
À travers son regard et ses émotions, nous suivons l'installation de ces réfugiés, leurs espoirs, leurs déceptions et les plaies ouvertes qui malgré eux envahissent le quotidien tout entier. Il y a Olek, le père, ingénieur agronome, fervent idéologue pétri de patriotisme qui s'est mis en tête de faire fortune en Terre sainte en écoulant un stock de boucles de casque et de ceinturon de l'armée allemande découvert dans les décombres de Munich. Il y a Anouchka, la mère fragile et protectrice qui passe le plus clair de son temps à cultiver le souvenir de ses chers disparus et à esquiver cet impossible deuil. Et, au milieu de ce chaos, il y a cette petite fille à la santé vacillante, un peu trop apprêtée, un peu trop couvée, et qui au fond ne rêve que de se mêler aux jeux des sales gosses de ce quartier de Menchya, perdu entre les rochers de grès bordant la plage et les ruines de la mosquée de Hassan Bek. Servi par un style subtil, ce roman d'inspiration autobiographique nous plonge dans l'intimité de ce moment historique où les rêves de terre promise se sont soudainement trouvés confrontés à la brutalité de l'exil.
1895. En Palestine ottomane, le domaine de la puissante famille Rajani s'étend au milieu des vergers et des dunes sur lesquels s'élèvera un jour la ville de Tel-Aviv. Le père s'absente souvent, délaissant son domaine, sa jeune femme Afifa, et son fils Salah, chétif et dépressif, qui vit cloîtré dans sa chambre. Un récit à deux voix : la première, celle de Isaac Luminsky, personnage s'exprimant à travers son journal intime dans l'hébreu archaïsant du 19ème siècle. La seconde, celle de Salah, qui couche dans ses cahiers des récits enfiévrés. Débarqué à Jaffa, Luminsky, sioniste de la première heure, se débat entre les réticences de sa jeune épouse frigide et son désir ardent de racheter des terres aux effendis arabes pour le compte des «Amants de Sion» et des premiers colons. Le domaine Rajani est la proie rêvée, de même que la maîtresse des lieux, Afifa, qui succombe à sa séduction. Salah, subjugué par cet «être magnifique, à la blondeur de l'ange Gabriel», décrit à travers rêves éveillés et cauchemars sa nouvelle amitié avec le Juif. A la découverte de la «trahison» de sa mère, Salah, écartelé entre amitié et haine se lance dans des prédictions apocalyptiques sur l'exil inéluctable des Arabes écrasés par les Juifs.
" L'écriture, m'offre une échappée vers des expériences que j'ai manquées, ou qu'il m'est impossible de vivre, vers des lieux que je ne visiterai jamais, des gens qui me sont interdits. A quoi ma vie ressemblerait-elle avec eux, dans leur peau ? ", écrit Ron Leshem en postface à Niloufar.L'auteur se glisse donc dans la peau de ses personnages. Kami, jeune provincial venu pour étudier à l'université de Téhéran, loge chez sa tante, Zahara, ex-vedette de cinéma censurée par le régime islamique. Dans le microcosme de l'immeuble, se croisent et se protègent Babegh, l'homosexuel qui un jour disparaîtra sans laisser de traces, Madame Safoura, qui s'invente un passé prestigieux et se refugiera au Japon. Loin des regards malveillants, l'ordinateur de Kami et INTERNET leur ouvrent les portes du vaste monde, plus beau, riche de toutes les possibilités interdites.A la fac, Kami rencontre - et devient l'amant de - Niloufar Khalidian. Fille de la grande bourgeoisie, elle est aussi la première femme pilote de course. Elle entraîne le jeune homme dans les méandres souterrains de Téhéran - drogue, alcool, abandon du voile, livres interdits. Mais elle va trop loin en défiant la norme religieuse et finira pendue en place publique. (Le modèle existe: Leila Seddigh, militante des droits des femmes). Kami s'en retourne chez lui, vaincu, ou plutôt résigné à vivre sous la chape de la religion.