« Il les vit tellement seuls au monde, il les reconnut dans le caprice de Dieu et dans la violence sans remède de la nature, prisonniers du rêve sans mystère des enfants du Borgo Vecchio. » Mimmo et Cristofaro sont amis à la vie à la mort. Ils grandissent dans un quartier misérable de Palerme, parmi les parfums de la mer, le marché aux balances truquées et les venelles tortueuses où la police n'ose pas s'aventurer. Le soir, tandis que Cristofaro pleure sous les coups paternels, Mimmo cherche à apercevoir Celeste, qui patiente sur le balcon quand sa mère reçoit des hommes. Tous les trois partagent le même rêve : avoir pour père Totò, voleur insaisissable et héros du Borgo Vecchio. Lui seul possède un pistolet, dont Mimmo voudrait bien se servir pour sauver Cristofaro d'une mort certaine...
Violence et beauté se mêlent au coeur de ce roman envoûtant, qui nous tient en haleine jusqu'au grand final.
Jésus vit à Nazareth avec sa mère, qui l'a eu très jeune, et son père, Joseph, un charpentier taciturne. Lorsque celui-ci abandonne sa famille sans laisser de trace, il décide de partir à sa poursuite. Ce jeune fugueur embarque avec une troupe d'acrobates pour un périple plein de surprises. C'est un Jésus humain, qui va découvrir l'amour charnel, les trahisons, la douceur et la violence. Un adolescent troublé, ancien enfant farceur, parfois blasphémateur, qui aujourd'hui veut vivre pleinement ; qui, comme chaque adolescent, est dans l'impatience d'agir. Or, dans ce monde aux lois impitoyables, sous l'égide d'une féroce domination romaine, de l'autorité des prêtres, soumis à l'arrogance des riches, à la famine, dans cette époque bouleversée par de profonds changements, nul mieux qu'un jeune garçon tourmenté par le désir, aux prises avec ses démons personnels, ne peut sentir le battement souterrain d'une révolution à venir.
Porté par le souffle épique de la jeunesse, de l'aventure, et la quête d'un mystère familial, Calaciura nous tient à sa merci, en haleine, joue avec le présage d'une destinée extraordinaire.
Dans la chaleur des nuits indiennes, un homme part à la recherche d'un ami disparu. Entre Bombay et Goa, de bas-fonds miséreux en hôtels pour Occidentaux au luxe tapageur, sa quête croise la route de personnages étranges et déroutants. Mais il est facile de se perdre dans ce pays ensorcelant où les enfants sont devins, les vieillards un peu fous et les femmes si belles...
« Ce court roman, fait de rencontres furtives et de conversations chuchotées aux quatre coins de l'Inde, a reçu le prix Médicis étranger en 1987. Dans les lettres italiennes, on place Tabucchi aux côtés des plus grands, Buzzati et Calvino. Sauf que lui puise ses secrets au coeur du réel. Tabucchi, c'est magique ! » Richard Sourgnes, Le Républicain lorrain
Au début des années 1960, Bruno Barbey, cherchant à dépeindre les Italiens, photographie toutes les couches de la société dans la rue comme dans les intérieurs. Le jeune photographe présente cet ensemble d'images à Robert Delpire qui propose aussitôt de les publier dans la série « Encyclopédie essentielle », une collection de livres juxtaposant textes et images, qui comprenait déjà Les Américains de Robert Frank (1958) et Les Allemands de René Burri (1962). Les circonstances d'alors empêchent la réalisation du livre, mais le portfolio de photographies italiennes convainc les membres de l'agence Magnum Photos du potentiel du jeune Barbey, rapidement accepté dans la coopérative. Après des décennies de travail et de nombreux volumes sur d'autres pays, Barbey a finalement publié une première version de ce travail en 2002, avec une introduction de Tahar Ben Jelloun, depuis longtemps épuisée.
La présente édition est un retour à l'idée originale de Robert Delpire, dans un format réduit coïncidant avec l'édition des Américains et celle à venir des Allemands (2023).
C'est l'histoire d'une femme qui traverse la vie en se battant comme une gladiatrice. Depuis les années de guerre et les bombardements qui s'abattent sur Rome, jusqu'aux mutations des années 1990, en passant par les années de plomb, Rome est le décor dans lequel évolue Tullia, une de ces invisibles héroïnes du quotidien, figure modeste et forte à la fois d'un sous-prolétariat urbain. Élevée par une mère mal aimante qui fait travailler ses enfants comme des esclaves dès leur plus jeune âge, Tullia prend un jour son destin en main en quittant ce milieu familial tyrannisé par la mère. Mais quel destin !
Amoureuse des mots, animée par une volonté farouche de survivre et de s'en sortir, Tullia endurera les épreuves d'une vie de misère et de labeur au milieu de luttes syndicales et de révolutions culturelles qui l'effleurent à peine. Le courage, la force, la dignité de Tullia en font un témoin curieux et passionné de la vie de la capitale à travers cinquante ans. Lire Rien pour elle, c'est comme regarder l'histoire défiler par la fenêtre : impossible de ne pas y voir un reflet trouble de nous-mêmes.
Ce premier roman magnifique, poignant, très habilement construit, démontre un talent certain chez cette nouvelle voix, dans la veine d'une Elsa Morante ou d'une Elena Ferrante.
Îlot de lumière dans l'obscurité de la nuit de Noël, un tramway part du centre de Rome pour rejoindre sa périphérie éloignée.
Un mystère, fragile, y a été abandonné. Au fil des arrêts montent progressivement des travailleurs pauvres, précaires, qui ont à peine fini leur journée. Une prostituée déportée d'Afrique et son client malheureux ; un sans-papiers et sa camelote ; une infirmière assiégée par la solitude ;
Un père incapable d'offrir un dîner de fête à sa famille...
Tous se dirigent, silencieux, vers le réveillon qui les attend, ou qui ne les attend pas. En pensée, en mémoire, sur leur corps, tous ont une histoire différente, toujours compliquée, mêlée d'impuissance et de colère. Miracle de Noël, ce mystère abandonné à l'arrière du tramway va les rassembler et rompre l'indifférence.
Un siècle d'histoire, vue du côté des perdants, à travers le prisme d'une famille de libertaires toscans. De l'épopée garibaldienne au fascisme, à la Seconde Guerre mondiale, à l'après-guerre, plusieurs générations se succèdent et assistent aux luttes de pouvoir et aux volontés de domination. Les noms se ressemblent, les destins se répètent.
Une grande fresque, par touches, par fragments, où l'on trouve déjà les thèmes chers à Tabucchi, le double, les boucles du temps, l'envers, les malentendus. Un roman plein d'humour et de mélancolie.
«Nous partîmes la nuit suivante et ce fut le noir. Dans la soute, il n'y avait plus ni lueurs ni reflets, que le noir répété mille fois jusqu'à ne plus être un nombre, et mille fois le râle de l'asphyxie, la neuvaine du salut, la prière des torturés.» Passes noires, conte des mille et une nuits de brutalité et de solitude, donne à voir l'apocalypse des femmes venues au monde pour l'esclavage et l'injustice. Arrachée à son Afrique natale par des négociants de chair fraîche, la jeune Fiona échoue dans un port italien où elle rejoint l'Amie chère, Cendrillon et la Boiteuse pour vendre son corps dans les obscénités et les humiliations des soldats, étudiants, pères de famille, magistrats, marchands de fritures et prélats qui dévorent les filles à vil tarif, sous l'oeil mort de la sainte patronne de la ville.
Si l'on s'en tient aux faits, Malacqua est la chronique de quatre jours de pluie dans la ville de Naples, du 23 au 26 octobre d'une année indéterminée au cours desquels se produisent des événements étranges, dans une atmosphère d'attente, pas seulement de la fin du déluge mais surtout d'un événement extraordinaire.
Cette longue et dense chronique d'un désastre commence par deux morts, à cause de la pluie, deux voitures englouties dans une crevasse. Mais ce mauvais temps ne provoque pas seulement des éboulements et des effondrements. Dans l'incertitude hostile nourrit par la pluie se multiplient des faits inhabituels, prennent corps des présages et de noirs avertissements : « voix » mystérieuses, énigme des poupées, mer qui poursuit les gamins des rues, piécettes qui se mettent à sonner. La peur crée l'attente et le roman se transforme alors en l'espérance de cet événement absurde, irrationnel, capable de briser les perspectives mêmes de la vie.
Naples bien sûr est le vrai protagoniste de Malacqua. Ville de carton, ville du rêve et de la spéculation immobilière, coeur de l'exploitation intensive sur le dos de ceux qui ne sont pas puissants. À travers les rues anciennes de la ville, les quatre jours de pluie alimentent un suspens appliqué aux raisons mêmes de l'existence. Et l'Événement extraordinaire, tant attendu, trouve son origine fondamentale dans un sentiment ancestral des Napolitains : l'espoir ambigu qu'un « miracle » puisse intervenir pour améliorer leurs conditions de vie précaires.
Écrire un livre est souvent l'aventure d'une vie. Les candidats sont nombreux, les élus sont rares, et il faut une bonne dose de détermination et de travail pour se faire publier. À l'opposé du manuel d'écriture scolaire et inhibant, Écrire, mode d'emploi, texte espiègle et généreux, est une promenade au pays de la littérature en même temps qu'une mine de conseils en or. Un petit bijou à mettre entre les mains de tous ceux qui aiment lire et écrire.
Le livre des monstres paru en 1978, peu après la mort de l'auteur, recueille des textes courts sans liens directs entre eux, comme dans le Stéréoscope des solitaires (Gallimard, 1972). On y retrouve ce goût pour les portraits d'être prodigieux qui rappelle celui du Borges, ami et maître de Wilcock, du Livre des êtres imaginaires.Mais ici les êtres dotés de caractéristiques tout à fait hors-normes, parfois effrayants dans leur apparence, ne montrent aucune accointance avec le prodigieux ou le divin. Au contraire ils se révèlent banals, ordinaires, avec les travers petits-bourgeois les plus prosaïques. A travers cette tératologie de la vie quotidienne filtre une vision satirique de la société :
Inutile d'aller chercher bien loin, les monstres sont parmi nous, et ils sont déplorables.
« Les anges sont des êtres fatigants, surtout ceux de la race dont il est question dans ce livre. Ils n'ont pas des plumes caressantes, ils ont un pelage ras, qui pique.
Suffit. Qu'ils s'en aillent comme ils sont venus. Que rien ne les justifie, que rien ne les protège, pas même une note en marge tissée de paroles de circonstance.
Le titre de ce livre appartient à Eugenio Montale, qui avant nous s'est trouvé par hasard face à un ange aux ailes noires. C'est un titre qui se veut un hommage, mais qui est avant tout un affectueux souvenir. »
Antonio Tabucchi.
Urbi et Orbi Une bande de jeunes ecclésiastiques corrompus et sans foi, prêts à tout, dès leur ordination, pour gérer la Curie romaine comme une entreprise rentable ; un pape dont le déclin physique est d'autant plus patent et pitoyable qu'il fut un pontife sportif, énergique, faisant souffler un vent nouveau sur une Église ronronnante. Ils sont néanmoins fascinés par ce pape qui s'approche de la sainteté : en effet la geste héroïque du pontife des débuts parlant aux animaux et sillonnant le monde pour bénir ses ouailles s'est transformée en calvaire de la décrépitude d'un vieillard portant les stigmates. Le drame de leur incroyance est de ne pouvoir faire autre chose que de convertir le désir de Dieu et de transcendance en manigances mercantiles et en spectacle à faire digérer par les médias et consommer par les foules.
Malacarne (publié par la première fois aux Allusifs en 2007) est le long monologue d'un petit truand emporté dans le récit de sa propre vie. Toute l'évolution de la mafia contemporaine est brassée dans une sorte de fantasmagorie générale ; et c'est la mort qui domine et finalement règne sur cet univers désespéré livré en permanence à sa propre destruction. Un roman apocalyptique fascinant qui emporte tant les bourreaux comme les victimes, les malfrats comme leurs juges.
Pour raconter une bonne histoire, nous dit Borges, il faut avoir deux intrigues, une fausse pour égarer le lecteur au départ, et une vraie qu'il faut garder secrète jusqu'à la fin.
Cette théorie a trouvé en Mario Levrero, grand auteur uruguayen, un illustrateur hors pair. Avec J'en fais mon affaire il nous embarque dans les aventures, à la fois cocasses et étranges, d'un écrivain en déroute chargé d'en retrouver un autre, un certain Juan Pérez, dont on ne connaît que le manuscrit génial et la bourgade d'origine, un lieu paumé où notre enquêteur amateur va aller de découvertes en déconvenues.
Car si les Juan Perez ne manquent pas, ils n'écrivent guère... Persifleur, drôle, bourré de clichés qui font un joyeux feu d'artifice, ce roman a les couleurs de la culture populaire mais les nuances de la littérature insolente.
L'histoire de Suzanne Lenglen commence en 1910. À 11 ans, elle reçoit de son père une raquette de tennis. Grande sportive, elle s'entraîne comme un homme et développe un jeu unique grâce à la pratique de la gymnastique et de la danse.
Quatre ans plus tard, elle remporte son premier titre de champion du monde. C'est le début de la gloire.
Entre 1919 et 1926, elle s'impose six fois aux Internationaux de France, six fois à Wimbledon, et décrochera trois médailles olympiques. Ses apparitions déchaînent les foules.
Qui mieux que Gianni Clerici, journaliste italien, romancier, essayiste et spécialiste reconnu du tennis, aurait pu mieux retracer la vie exceptionnelle de Suzanne Lenglen, qui changea en quelques années seulement l'image du tennis et la place des femmes au sein de celui-ci ?
«... Bien que je n'aie pas encore réussi à comprendre quel est le lien qui unit la vie que nous vivons et les livres que nous écrivons, je ne peux pas nier que Le jeu de l'envers ait une résonance autobiographique. Théâtre, Paradis céleste et Voix sont au contraire des histoires qui me furent racontées par d'autres. Ce qui m'appartient, c'est la façon de les raconter, qui fait que ces récits sont ces récits-là précisément et pas d'autres. Enfin, les autres récits sont nés spontanément en moi sans aucun lien apparent avec ce que je connaissais ou avais vécu. Mais tous, les uns comme les autres, sont liés à une découverte : le fait de m'être un jour aperçu, à cause des imprévisibles événements qui régissent notre vie, que quelque chose qui était ainsi était pourtant autrement. Ce fut une découverte qui me troubla. À la rigueur, on pourrait dire que ce livre a été dicté par l'étonnement. Par la peur, serait-il peut-être plus juste de dire. Le respect dû à la peur m'empêche de croire que l'illusion de la domestiquer par l'écriture éteigne la conscience, enfouie au fond de l'âme, qu'à la première occasion elle mordra à nouveau, suivant ainsi sa nature.» Antonio Tabucchi.
Travailler sans être payé : une habitude qui, pour beaucoup, est le prix à payer pour accéder aujourd'hui au monde du travail. Mais si, au lieu d'être une étape obligatoire, il s'agissait d'un choix conscient ou, pire, le fruit d'une obsession.
Si, là dehors, il y avait des personnes qui travaillaient pour le simple plaisir de travailler, de se rendre chaque jour au même endroit pour mettre leur tenue de travail et, pendant huit, neuf, dix heures, se mêler aux autres dans le seul but de donner un sens à leurs journées, serions-nous capables de les comprendre ?
Saurions-nous raconter leur histoire ?
C'est ce qu'a fait Michele Robledo, journaliste italien, en menant une grande enquête sur les travailleurs non conventionnels, leur opiniâtre obstination, leur délirant « parcours de libération ». Le phénomène déclenche une violente polémique et amène tout le monde à s'interroger : qui est vraiment Michele Robledo ? Un brillant journaliste, un idéologue diabolique ou un charlatan ayant inventé le plus gros canular de tous les temps ?
Avec Robledo, Daniele Zito explore une thématique importante du monde contemporain : le travail précaire. Les références à une certaine littérature sud- américaine - Borges et Bolaño entre autres - sont évidentes. Le style, des phrases brèves, tranchantes, rappelle le Palahniuk de Fight Club.
Été 1981, une famille prépare ses valises pour se rendre dans un lieu insolite. Le père, diplomate, a été nommé ambassadeur d'?Italie à Téhéran. Dès l?arrivée à l?aéroport les personnages sont projetés dans un univers plein de violence, d'?interdits, de femmes voilées en noir, d?hommes barbus et de soldats armés. Tous sont dominés par la figure puissante et énigmatique de l?'Ayatollah Khomeiny.
Dans cette atmosphère sombre s?ouvre un lieu enchanté : le jardin de l?ambassade, ancienne demeure de princes persans, qui cache des mystères et la promesse de jeux sans fin, dans un espace hors du temps, le temps de l?enfance et où toutes les relations avec l?extérieur sont gravement menacées par la situation historique et politique de l?Iran de l?époque. Roman autobiographique, Le Jardin persan, raconte l?histoire d?une famille projetée dans un pays bouleversé par la Révolution Islamique et la guerre contre l?Irak. Face à une réalité dure et cruelle le regard de l?enfance permet de garder une délicatesse et une candeur attachantes. Le jeu devient un espace de découverte d?émotions et d?idées, transformant la vie quotidienne en une grande aventure et marquant la fin de l?âge de l?insouciance.
A-t-on une langue maternelle quand on naît de parents sourds ?
Celle de Claudia Durastanti est l'italien, celui d'un village de la Basilicate, où l'on compte plus de têtes de bétails que d'humains.
Ou peut-être est-ce l'anglais, celui de Brooklyn des années 1980, celui des immigrés italiens ? Ou est-ce le son du sang de sa mère, son tempo, ses vibrations ?
À jamais étrangère, Claudia Durastanti vient d'une famille protéiforme, où chacun parle de manière différente. Ses parents sont tous deux sourds, et chacun aime à raconter qu'il a sauvé l'autre de la mort le jour de leur rencontre. Elle naît et grandit aux États-Unis avec une partie de sa famille, avant d'arriver en Italie à l'âge de sept ans, comme « une immigrée à l'envers qui quitte le futur pour se désintégrer dans le passé ».
Sa vie sera faite de ces va-et-vient, de ces enracinements approximatifs sur des territoires où il lui faut apprendre à vivre.
De son plus grand obstacle, le langage, elle fait son cheval de Troie. De l'italien à la syntaxe peu orthodoxe de sa famille à l'anglais expérimental de ses cousins immigrés, la jeune Claudia grandit dans une langue qui lui est propre, une langue éclatée, fragmentée, qui résume à elle seule les multiples facettes de sa personnalité.
Devenue traductrice, puis auteure, elle développe avec L'Étrangère une carte géographique et sentimentale de l'histoire de sa famille. Organisé en chapitres courts à la manière des prédictions d'un horoscope, (Famille, Amour, Santé, Voyages, Travail, Argent) son roman conjugue la puissance d'évocation et la réflexion, dessinant la vie de sa famille élargie, et son propre chemin. Ce faisant, elle signe un livre universel, qui parvient à raconter une multitude de vies, par le prisme de leurs voix et de leurs territoires.
C'est le chien Iodok qui est le narrateur de ce troublant récit.
Il a pour maître le professeur Lyudov, directeur d'une clinique vétérinaire, et il se félicite de sa situation enviable, tout en sachant à quel point elle est fragile. En effet, sous sa fourrure se cache un homme qui a dû se transformer en chien pour échapper aux limiers d'un ordre social éliminant avec opiniâtreté, ruse et violence toute velléité de résistance ou simplement de différence. Ainsi Iodok est l'homme-chien, " l'apostat, le renégat du troupeau " et son récit est le témoignage au jour le jour des agissements qui se trament autour de lui et vont le conduire inexorablement à sa perte.
En réalité la clinique vétérinaire est aux mains de l'organisation occulte appelée le Zoo qui détient le pouvoir véritable et c'est là, il le découvrira, que l'on " traite " les opposants pour les faire rentrer dans le " troupeau " humain, après qu'ils ont été rabattus par les " limiers " de l'organisation déployée sur tout le territoire. Peu à peu l'homme-chien, qui se souvient de la Sibérie de sa jeunesse et éprouve attirance et amour pour Véra, la belle secrétaire, va sentir se resserrer autour de sa propre personne les fils d'une machination complexe et infiniment retorse qui ne peut s'achever que par son élimination car il est l'intolérable défaut d'un ordre totalitaire Dans cet univers qui certes évoque le monde soviétique, voire la Russie d'aujourd'hui, mais plus largement n'importe quel ordre social uniformisant, tout n'est qu'apparences et faux-semblants et c'est de là que naît l'angoisse sourde qui étreint le personnage comme le lecteur.
Les papillons sont des créatures fragiles et éphémères qui ne vivent qu'un seul petit jour. À peine sortie de sa chrysalide, Desperia se lamente sur son sort, mais Solaria, elle, décide de savourer chaque seconde de cette belle journée.
Un magnifique livre poétique et philosophique dont les illustrations raviront petits et grands.
Le narrateur rend visite à sa tante internée à «La maison du soulagement mental», un hôpital psychiatrique. Elle a été dénoncée par les bigots du village pour son érotomanie, luimême devra repousser les avances de la présidente de l'association des bigotes qui veut le convertir. Lors de ses visites il découvre la folie ordinaire, celle des patients, celle aussi de ceux qui les ont en charge. Ainsi les docteurs Korea et Gruber, par leurs propos, méthodes et théories, semblent tout aussi inquiétants que les «classiques» fous, pyromanes ou érotomanes que l'on rencontre au détour d'un couloir. Marqué par ces rencontres, il est la proie d'insomnies et de visions nocturnes dans un paysage qui est aussi celui où sont morts et enterrés des milliers de soldats de la Grande Guerre. Le narrateur a un ami en la personne du baron Alfonso, rejeton de la puissante famille Manotazo, un vieux dandy de province propriétaire de poupées gonflables extrêmement humaines dont s'occupe un repris de justice condamné pour des moeurs hors normes. L'arrivée du père qui brandit la scie électrique qui l'a mutilé plonge le héros dans un Enfer que Gruber viendra porter à son paroxysme en racontant son parcours de médecin nazi, devenant ainsi l'emblème de la folie institutionnelle.
Dans un château toscan, un vendredi du mois de juin 1895, arrive le lourd et moustachu Pellegrino Artusi. Il est précédé par la réputation de son fameux ouvrage, La Science en cuisine et l'art de bien manger, un livre de cuisine vivant et cultivé (le premier du genre) qui a véritablement donné naissance à la tradition culinaire italienne. Le baron Romualdo Bonaiuti l'a cordialement invité à venir passer quelques jours au sein de sa maisonnée.
Et quelle maisonnée ! Le fils aîné est un poète amateur rongé par l'ambition ; le fils cadet est un coureur de jupons alcoolique et sans gêne ; la fille, seul membre talentueuse de la famille, est étouffée par sa condition féminine ; une acariâtre grand-mère veille sur tout le monde depuis son fauteuil à roulette ; la demoiselle d'honneur voudrait juste rester invisible ; et deux cousines qui ont passé l'âge de se marier servent de tapisserie.
Sans compter les nombreux serviteurs : un cuisinier génial, un mystérieux majordome et une femme de chambre hautaine et plantureuse. Mais Pellegrino Artusi n'est pas le seul invité : un photographe a également été convié sans qu'on sache trop pourquoi. Tous les éléments du crime en chambre close sont désormais réunis, la partie peut commencer.
D'un côté, une vielle femme recluse entre les quatre murs de sa maison qu'elle semble prendre un malin plaisir à laisser envahir par le désordre et la solitude. De l'autre, sa fille, toujours en quête du prince charmant après que son mari l'a délaissée, harcelée par sa mère hostile à qui elle rend pourtant consciencieusement visite chaque semaine. De ce face à face à la fois déchirant et terriblement drôle, Rosa Matteucci tire une fable rythmée par son humour féroce.
Une peinture grinçante des relations familiales, dépourvue des oripeaux de la bien-pensance, qui n'épargne aucun des détails qui fâchent.