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PHILIPPE BATAILLON
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Argentine, 1804 : le docteur Weiss, adepte de la nouvelle psychiatrie parisienne, fonde une maison de santé pour malades mentaux. Les « aliénés » y sont traités avec humanité et l'établissement acquiert une réputation aux quatre coins de la Vice-Royauté du Río de la Plata. Son disciple, Real, reçoit une mission déraisonnable : convoyer de Santa Fe à Buenos Aires une caravane de fous. Il y a un jeune homme mélancolique, une nonne nymphomane, un dandy maniaque et deux frères qui souffrent de délire linguistique. À cet hôpital ambulant se joignent un guide, deux soldats, trois prostituées. Mais la pampa est immense, désespérément vide, et la civilisation lointaine. Au cours de la traversée du désert, la frontière entre folie et normalité devient plus que trouble...
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Avec ces mille pages d'amour et de guerre, Antonio Muñoz Molina reprend les thèmes qui traversent toute son oeuvre - la mémoire historique, la conscience morale, l'infinie complexité des sentiments- et signe non seulement son plus beau roman mais aussi un véritable chef-d'oeuvre.Dans ce livre total, politique et sentiments sont les deux faces d'une tragédie qui plonge le personnage principal Ignacio Abel dans une spirale qui lui fera perdre son amour, son pays et son engagement. A la fin de 1936, cet architecte espagnol de renom, progressiste et républicain, monte les marches de la gare de Pennsylvanie, à New York, après un périple mouvementé depuis Madrid où la guerre civile a éclaté. Il cherche Judith Biely, sa maîtresse américaine perdue, poursuivi par les lettres accusatrices de sa femme, Adela, et taraudé par le sort incertain de ses deux jeunes enfants, Miguel et Lita. Antonio Muñoz Molina le regarde chercher le train qui doit le conduire dans une petite ville au bord de l'Hudson, Reinheberg, et reconstruit dans un époustouflant va et vient dans le temps la vie d'Ignacio Abel, fils de maçon, devenu architecte à force de sacrifices, marié à une fille de la bourgeoisie madrilène arriérée et catholique, déchiré par sa passion amoureuse et par la violence des événements politiques. Cette grande fresque sur les heures qui ont précédé la prise de Madrid par les franquistes - où se croisent nombre de personnages historiques et littéraires- est aussi un roman intimiste et charnel qui fouille avec une lucidité admirable et bouleversante au plus profond de la matière humaine.
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Kafka rejoint sa maîtresse, un inconnu fuit l'Allemagne nazie, Primo Lévi est envoyé à Auschwitz : tous sont pris dans la tourmente de la guerre, ils sont citoyens de la patrie Séfarade. Dans les trains qui les mènent loin des combats, leur fureur s'apaise. Antonio Munoz Molina fait céder le loquet du wagon qui renferme la vérité secrète de ces exilés : chacun peut devenir le juif d'un autre...
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L'Enquête, c'est le roman policier de Juan José Saer. Un « polar parisien aussi sophistiqué que captivant ».
« Juan José Saer est un écrivain intelligent, voire même cérébral, qui reste un jouisseur et ne perd jamais de vue que conter est d'abord une façon de divertir ses semblables.
Il n'est peut-être jamais parvenu aussi brillamment à la synthèse qu'il ambitionne sans cesse que dans L'Enquête. Lui qui adore se livrer à des parodies de toutes sortes, s'attaque cette fois à une forme qu'en tant qu'admirateur de Conan Doyle il apprécie particulièrement : celle du roman policier. Pour la première fois, il situe l'essentiel de l'action à Paris, plus précisément dans le XIe arrondissement, et le centre sur les sinistres méfaits d'un meurtrier en série de vieilles dames. Il est visiblement parti d'un fait divers qui défraya la chronique il y a quelques années et inspira même un film, mais s'en sert surtout pour lui conférer sa dimension psychanalytique autant que mythologique. » (Jacques De Decker, Le Soir)
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4 avril 1968. James Earl Ray tire sur Martin Luther King. Puis s'enfuit à Lisbonne, dans l'attente d'un visa pour l'Angola. L'attente s'éternise, il erre dans des rues inconnues. Trente ans après, Antonio Muñoz Molina arpente la ville, théâtre de son premier roman, sur les traces de l'assassin. Reconstituant le passé, l'écrivain mêle ses propres souvenirs à ceux de l'homme le plus recherché du monde.
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Dans une petite ville du sud de l'andalousie battue par la pluie et le vent, une fillette est retrouvée morte sur le talus d'un parc.
L'hiver et la peur tombent sur la ville tandis que se font entendre, comme une trame en continuelle expansion, les voix des personnages liés entre eux par des bribes de passé et l'horreur d'une cruauté gratuite - l'inspecteur, l'institutrice, le médecin légiste, l'assassin enfin, qui vit dans la haine et la soumission du plus faible. on ne sort pas indemne de ce livre dense, qui s'appuie sur une prose précise, une construction sans faille, et qui s'enfonce, entre passé et présent, dans l'obscure et lumineuse matière humaine.
Pleine lune révèle la profonde cohérence du monde narratif d'antonio munoz molina, un des plus grands écrivains de notre temps.
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Le 20 juillet 1969, l'homme marche pour la première fois sur la Lune. Dans la petite ville andalouse de Mágina, un adolescent vit cet événement avec une passion d'autant plus grande que, pour lui, la vie s'écoule au rythme monotone de la récolte des olives, des querelles de famille, et du collège religieux. Tout cet univers pauvre et archaïque devient étranger à ce jeune garçon qui assiste à la naissance d'une nouvelle époque.
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Mario, fonctionnaire dans une petite ville, partage sa vie entre son travail et sa passion pour sa femme, Blanca. C'est un jeune homme simple, attaché aux valeurs traditionnelles, et si Blanca le fascine à ce point c'est qu'elle représente le côté exquis de la vie, l'insouciance bourgeoise, la fantaisie. Mais peu à peu Mario sent une menace inquiétante peser sur son couple. Blanca s'évade, échafaude des projets qu'il ne comprend pas, et entre ces deux êtres l'incompréhension et la souffrance s'installent. L'amour peut-il survivre à sa propre disparition ? La réponse désespérée d'Antonio Muñoz Molina (l'auteur de Pleine Lune, prix Femina étranger) dans ce court roman circulaire est une véritable leçon de stratégie littéraire et de maîtrise absolue du style, bref et magnifique hommage à Flaubert.
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Ce livre est né du regard émerveillé que pose Antonio Munoz Molina sur la ville qui fut trois siècles durant le joyau de la culture arabe, la rivale de Bagdad, le pont entre l'Orient et l'Occident. Sa beauté, le luxe de ses demeures, son architecture et l'extrème sophistication de sa vie quotidienne fascinaient les voyageurs. Depuis sa fondation en 711 par des cavaliers berbères et arabes qui chassèrent les Wisigoths d'Espagne, jusqu'à sa destruction au 11° siècle dans une atroce guerre civile, l'histoire de Cordoue est tissée de légendes, d'érudition, de découvertes scientifiques et d'un art de vivre où savants, poètes, musiciens, médecins et magiciens oeuvrèrent à la magnificence d'Al Andalus. D'Abd-al Rahman 1er à Al Mansur, Antonio Munoz Molina nous raconte la merveilleuse histoire de Cordoue et sa fin tragique dont la cause ne fut pas, contrairement à ce que l'on a longtemps cru, l'oeuvre des chrétiens, mais celle de ses propres habitants.
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Grande fugue est le roman posthume du grand écrivain argentin Juan José Saer, décédé en juin 2005. Roman que la mort a laissé inachevé puisque sur les sept jours qui composent le livre, il manque le dernier, le lundi, dont il n'y a qu'une seule phrase. Le roman met en scène les mêmes lieux que dans les livres précédents (la ville argentine de Santa Fe), et certains des personnages qui les ont peuplés auxquels vient s'ajouter la nouvelle génération. Parti du jour au lendemain de Santa Fe, Gutierrez revient dans la ville de sa jeunesse après trente ans passés en Europe sans avoir donné de nouvelles. Il s'achète une maison et fait la connaissance de Nula, philosophe amateur et marchand de vin, de 30 ans son cadet. Entre eux deux, une amitié se noue au cours d'une promenade pluvieuse, un mardi. Chacun à sa manière cherche à revisiter le passé ; Gutierrez voudrait retrouver le monde de sa jeunesse, Nula cherche à comprendre un épisode trouble et opaque qui a eu lieu cinq ans auparavant et auquel est mêlée Lucia, la fille de Gutierrez. À côté d'eux et participant de leurs rencontres, Gabriela et Soldi font des recherches sur un mouvement littéraire provincial, le Précisionnisme, qui a marqué les esprits entre 1950 et 1970. Gutierrez est pour eux un témoin essentiel, ainsi que les anciens personnages du monde saerien : Tomatis, Clara et Marcos Rosemberg, Sergio Escalante, entre autres. Du mardi au dimanche, entre la rencontre de Gutierrez et de Nula et le grand déjeuner qui réunit les personnages, tous vont pratiquer l'art de la conversation et revisiter le passé. Amours secrètes, épisodes érotiques, morts tragiques, fraudes, compromissions, vie de bohème des années soixante, donnent lieu à des récits aux variations multiples, selon celui qui les raconte. En six jours, sur un petit morceau de terre argentine, c'est tout un univers qui s'étend et vit intensément entre passé et présent, sur plusieurs années, à travers de multiples personnages dont les aventures, les anecdotes et les réflexions profondes nourrissent l'extraordinaire monde littéraire de Juan José Saer.
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Dans ces nouvelles dont la publication, en 1960, fut saluée par Ernest Hemingway, Fernando Quinones fait un brillant détour en tauromachie. Cette collection de portraits d'humbles passionnés, de toreros au rencard, de cyniques margoulins des affaires taurines, ne laisse planer aucun doute : c'est dans ses marges que ce monde hors du commun se dit le mieux. " Certainement, les applaudissements, les ornements et les lumières ne parviennent pas à conjurer les ombres, les solitudes, les ratages et, tôt ou tard, l'effondrement assuré des hommes ", écrit-il dans la préface qu'il donna à une réédition. Ils sont tous là, aficionados rongés par la passion, débutants tremblants dans l'angoisse étouffante du désir, ratés magnifiques qui jamais ne renoncent. Tous là, illuminés par la même clarté impitoyable de la passion sans partage. Car affronter un taureau, dit ici Quinones, ce n'est pas réaliser un exploit sportif, ce n'est pas venir à bout de sa peur, pas même faire oeuvre artistique, mais bien chercher passionnément les clés d'un mystère qui vous dépasse.
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Deux hommes, qui n'ont en commun que leur nationalité espagnole, se rencontrent par hasard dans une salle de transit de l'aéroport de pittsburgh sur lequel s'abat une tempête de neige.
Ils ne se connaissent pas et ne se reverront jamais. l'un, claudio, un professeur de littérature qui se rend à buenos aires pour y donner une conférence sur un sonnet de borges, écoute alors l'histoire secrète et étrange que l'autre, marcelo, un homme d'affaires madrilène, a vécue quelques années auparavant dans un hôtel de la capitale argentine. puis les voyageurs se séparent et claudio découvrira, dans ce même hôtel où a séjourné marcelo, que l'ordre quotidien peut à tout moment être bouleversé par l'irruption du fantastique et qu'entre le réel et l'irréel la frontière est si ténue qu'elle est le plus souvent imperceptible.
Antonio muñoz molina, en revendiquant ici les récits d'henry james, thomas mann et juan carlos onetti, prouve une fois encore que le roman court, lorsqu'il atteint la perfection, brille d'incomparables feux.
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Tout ce que l'on croyait solide
Antonio Munoz Molina
- Seuil
- Essais Seuil
- 26 Septembre 2013
- 9782021118841
Ecrites dans l'urgence, ces quelques 250 pages se veulent un réquisitoire contre la grave crise économique, politique et morale qui traverse l'Europe et ravage l'Espagne, en même temps qu'un plaidoyer pour préserver les fondements de notre démocratie. La première partie du livre s'en prend à l'idéologie ultra libérale des dirigeants européens et met en avant l'inimaginable corruption des élites espagnoles et des autonomies qui se chiffre en milliards d'euros : délits d'initiés ; hommes politiques liés aux grandes banques et aux grandes entreprises mondialisées, abandon des modèles sociaux, transformation des services publics en fabuleuses entreprises rentables ; clientélisme; effondrement culturel etc.
La seconde, plus littéraire, s'appuie sur des exemples, des anecdotes et des réflexions personnelles. Elle reprend une thèse chère à l'auteur, selon laquelle, comme trop souvent dans l'histoire, le monde peut basculer sans que personne n'ait rien vu ou rien voulu voir, interroge la responsabilité individuelle et collective, appelle à sauver les valeurs, aujourd'hui menacées, des sociétés démocratiques et propose la refondation d'une morale de la citoyenneté.