STEPHANE VANDERHAEGHE
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Hiver 1959-1960, dans une petite ville de l'État de New York. Ruben Blum est historien, fils de parents (névrosés et excentriques) d'origine russo-ukrainienne, gendre de beaux-parents (plus névrosés et excentriques encore) d'origine germanique, et père d'une jeune fille qui a hérité de cette folie familiale. Il enseigne à l'Université de Corbin où il est le seul professeur de confession juive, ce qui fait de lui un sujet de curiosité, de conversation et, par de sombres raccourcis, la personne idéale pour évaluer la candidature d'un spécialiste de l'Inquisition, juif lui aussi, qui postule à la faculté : Ben-Zion Nétanyahou.
Ce dernier est attendu chez les Blum pour un cocktail de bienvenue avant ses entretiens, mais lorsque sa voiture s'arrête devant la maison, quatre autres personnes apparaissent à ses côtés - Ben-Zion a fait le voyage avec sa femme et ses trois garçons, l'aîné s'appelle Jonathan, le plus jeune Iddo, et entre les deux : Benjamin Nétanyahou, 10 ans. La soirée qui attend les Blum et les Nétanyahou restera dans les mémoires de tous les habitants de la ville, du directeur de l'université jusqu'au Shérif de Corbindale, de l'équipe locale de football jusqu'aux draps de la fille de Ruben...
Dans les pas de Philip Roth et de Saul Bellow, Joshua Cohen signe un très grand roman sur la société américaine, les familles dysfonctionnelles et l'identité juive. Celui que certains considèrent comme « le plus grand auteur américain vivant » (The Washington Post) nous plonge, avec ce pastiche de campus novel, dans un épisode invraisemblable de l'histoire personnelle des Nétanyahou. Et rien de tel que l'humour pour revisiter le passé, parfois embarrassant, des hommes de pouvoir.
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Entre science-fiction, récit post-apocalyptique et/ou roman spéculatif, L'Antre déroule son intrigue dans un futur indéterminé. Mais le travail d'Evenson se joue des attendus de la SF.
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Traduction de l'anglais (États-Unis) par Stéphane Vanderhaeghe USA, 1941. Après un mariage arrangé, la jeune Elle Rainier débarque sur l'île de Lyra avec son époux Simon. Cette île sauvage est connue pour ces eaux scintillantes renfermant de mystérieuses pierres bleutées, gages de fortune pour qui sait les attraper. Mais Elle ne se soucie que de son véritable amour, Gabriel, qu'elle retrouve en cachette sur l'île. Pour elle comme pour Simon, qui connaît d'autres amours, une vie de non-dits et de faux-semblants s'installe. Cinquante ans plus tard, au crépuscule de sa vie, diminuée par une maladie qui trouble sa mémoire, Elle démêle le fil de ses souvenirs : d'amours perdues en disparitions tragiques, les secrets enfouis remontent à la surface...
C'est dans un cadre à la mélancolie fizgeraldienne, servi par une construction littéraire habile, qu'Hannah Lillith Assadi nous emporte dans les méandres d'une vie et d'une histoire d'amour bouleversante. Acclamé à sa parution (Riverhead, 2022), Les Étoiles de Lyra a été classé dans les meilleurs romans de NPR et du New Yorker. -
Ordure relate le quotidien de Sloper, un agent d'entretien pour le compte d'un grand immeuble de bureaux au coeur d'une ville américaine anonyme. Sloper passe d'étage en étage en poussant son chariot pour collecter le recyclage, aspirer, nettoyer, vider les poubelles...et garder pour lui des restes de repas en tout genre... Quand il a fini, Sloper rentre chez sa mère, où il vit seul à la cave. Elle loue l'étage à des jeunes enclins aux débordements.
La routine de Sloper est interrompue un soir lorsque, constatant que le vide-ordures de l'immeuble est obstrué, il descend au sous-sol et découvre le corps nu d'une employée, jeté dans la benne tel un vulgaire déchet après utilisation. Contre toute attente, Sloper, y voyant sans doute un moyen de remédier à son extrême solitude, embarque le corps...
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Chacune de ces histoires est un voyage novateur, poétique, subversif, absurde, tendre et étonnamment drôle à travers les relations - souvent familiales -, les émotions et l´expérience humaine. Chacune de ces histoires permet de regarder le monde dans une perspective vraiment nouvelle. Il vaut d´ailleurs mieux aborder chacune de ces histoires avec une sorte d´esprit malléable. Certains ont aussi conseillé de ne pas lire Lait sauvage en une seule fois. Après chaque histoire ils pensent qu´il est préférable de se réunir autour d´une table pleine de souris pour discuter de l´histoire du jour et de faire circuler les pages comme un apéritif pour dévorer lentement chacune d´entre elles et décrire le goût qu´elle laisse sur la langue. Certains sont même allés jusqu´à écrire à propos de ces histoires : elles sont comme si les frères Grimm rencontraient Samuel Beckett dans son maillot de bain à la plage. Ou bien peut-être Franz Kafka, serait-on tenté de rajouter.
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Après «Contrenarrations», la première oeuvre de John Keene, «Annotations» est à la fois un geste autobiographique, le portrait d'une ville (Saint-Louis, dans le Missouri), et une série d'improvisations proches du jazz qui agglomèrent images, sensations, références musicales et littéraires. Une des voix les plus puissantes et innovantes de la littérature afro-américaines d'aujourd'hui.
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Le livre raconte l'histoire d'une visite à la Dia Art Foundation, à Beacon, près de New York, où la mère de l'artiste s'est sentie si offensée par l'élégante simplicité des peintures de Ryman, qu'elle a laissé glisser lentement et de façon délibérée sa main sur une de ces peintures. Stefan Sulzer combine cette histoire avec des déclarations et des informations sur le travail de Ryman et crée ainsi une fiction poétique sur la réception analytique et émotionnelle de l'art.
La conception du livre emprunte aux stratégies de Ryman, par l'utilisation de l'espace blanc, et construit un objet subtil, lié à un énoncé du texte : « Mallarmé disait de la blancheur de la page qu'elle agissait tel un vide qui contrastait de manière apaisante avec l'intensité signifiée par la noirceur des lettres imprimées. »
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De la Transylvanie à l'Arctique, en passant par les États-Unis, Jay Kirk nous embarque pour la fuite en avant la plus déjantée.
Afin de découvrir les mystères qui entourent une partition manuscrite de Béla Bartók, Jay Kirk part pour la Transylvanie sur les traces du célèbre compositeur. Il se rend dans les villages où Bartók, tel un vampire en quête de sang, a collecté les chansons folkloriques des paysans grâce auxquelles il transformera la musique du XXe siècle. C'est pourtant une composition plus personnelle qui hante Jay Kirk à mesure de ses découvertes : la Cantata profana, dont les héros sont un père et son fils. Cette oeuvre le renvoie à ses propres angoisses : ne serait-il pas parti dans l'unique but de s'éloigner de son père mourant ? Sa quête insensée, commencée en Transylvanie, prend alors un tour imprévisible. Direction l'Arctique.
Tout au long de ce voyage, aussi initiatique que géographique, Jay Kirk se perd dans ses propres méandres et lutte pour apporter une réponse à cette question qui le tiraille : toutes les expériences ont-elles une signification, même la perte du père ? Un livre délirant à mi-chemin entre Las Vegas parano de Hunter S. Thompson et 2666 de Roberto Bolaño.
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David King s'occupe de tout
Joshua Cohen
- Grasset et fasquelle
- En Lettres D'ancre
- 28 Août 2019
- 9782246817277
Juif new-yorkais, républicain et un soupçon mafieux, David King a transformé sa petite entreprise de déménagement en empire du stockage. Les équipes de King's Moving transportent vos meubles mais peuvent aussi être mandatées pour saisir les biens des mauvais payeurs. Pourtant, malgré sa notoriété acquise à grands coups de spots publicitaires, David King n'en reste pas moins ridiculement humain. Il a quitté sa femme pour l'une de ses employées et essaie d'être un père convenable pour sa fille en crise d'adolescence permanente : Tammy travaille désormais dans l'humanitaire, elle refuse de se plier aux traditions familiales et participe activement aux mouvements de boycott d'Israël. Ce qui exaspère David King.
Sioniste convaincu, il s'apprête à accueillir un cousin israélien qui vient de terminer son service militaire. Plutôt que de faire le tour du monde avec ses frères d'armes, hanté par les opérations à Gaza, Yoav part à New York travailler pour King's Moving, bientôt rejoint par l'un de ses camarades nommé Uri. Instable psychologiquement, ce dernier espère se raccrocher à la vie grâce à l'opportunité professionnelle qui se présente à lui. Rien ne l'impressionne, aucun meuble ni résident récalcitrant. Mais le binôme israélien va être rattrapé par des blessures profondes et la comédie risque alors de virer au drame...
Véritable « Soprano à la juive » selon le New Yorker, ce roman est à la fois hilarant et tragique. Joshua Cohen questionne nos identités et les grands changements à l'oeuvre dans nos sociétés, il manie l'humour juif avec talent pour croquer le monde dans toute sa vitalité mais aussi dans toute sa noirceur. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Stéphane Vanderhaeghe.
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Une réflexion sur la nécessité d'une pensée du code en tant qu'il structure notre vision du monde au même titre que la parole et l'écriture.
Fascinée par ce qu'elle considère comme des similarités troublantes entre les théories littéraires et les modèles scientifiques contemporains, et forte d'une double compétence dans ces deux domaines, N. Katherine Hayles étudie les convergences entre littérature, science et technologie. Plus précisément, ses recherches se sont orientées vers les nouveaux médias, et s'inscrivent pleinement dans le champ des (post)humanités numériques dont elle est l'une des théoriciennes américaines les plus influentes. Dans le présent essai, elle s'interroge sur la nécessité d'une pensée du code en tant qu'il structure notre vision du monde au même titre que la parole et l'écriture.
« Parole, écriture, code : chacun de ces systèmes s'accompagne d'une vision du monde qui lui est propre, de technologies qui lui sont associées et de boucles récursives induites par son utilisation. Dans l'évolution qui va de la parole au code, en passant par l'écriture, chaque régime successif réinterprète le(s) système(s) précédent(s), incorporant dans sa dynamique des valeurs antérieures. » N. Katherine Hayles
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En aveugle est un roman à la première personne, qui donne à entendre la voix d'un personnage au passé trouble, dont les contours et la teneur se préciseront au fil du livre. Fraîchement sorti de prison, il revient sur les lieux de son passé en quête d'une deuxième chance. Roman social, roman existentiel aux allures de polar, En aveugle ausculte la violence inhérente à la société américaine, en un texte d'une richesse et d'une force imparables, qui joue sur le non-dit et une forme de minimalisme froid ayant d'emblée séduit Gordon Lish, défenseur de Marten auprès de la presse et du monde éditorial américains.
Pour l'écrivain Brian Evenson, Marten, dans En aveugle, réussit le tour de force de faire avec l'univers de la serrurerie ce que Melville avait réussi avec la chasse à la baleine