Féerie est un livre protéiforme, éroticfantastique, dédié aux hommes aimés - aux amants. Il y a de vraies histoires d'amour et puis d'autres qui partent dans des délires : des délires égyptiens (Thot le dieu savant magicien), sorciers (la mandragore), indiens (Navajos), ésotériques (les fantômes), féeriques (les fées, les anges). Il y a l'univers d'Odilon Redon, Les lais de Marie de France, et tout ça fait de Féerie une sorte de livre des Merveilles.
Le livre de Sophie Loizeau correspond bien à une certaine orientation de la collection poésie, marquée par la présence de la nature (comme le livre de Aurélie Foglia édité récemment). Ce n'est évidemment pas la nature à la manière des Romantiques, mais la nature telle qu'elle peut être ressentie au XXI e siècle.
Quant au livre Les Loups (2017 - 2018), il s'agit peut-être là d'un combat.
Entre le don et la violence, entre le sensé et l'insensé, entre la compréhension et la bêtise, entre des forces que tout oppose (les loups et les anti-loups) et dont les radieuses se nomment Loups (terme générique désignant l'ensemble des êtres sauvages et persécutés, désignant ce qui échappe au contrôle et à la domination, à l'enrôlement). Un combat à l'issue duquel les anti-loups sont circonscrits, puis dissous.
Ce qui oeuvre dans tous les livres de Sophie Loizeau et qu'elle nomme Le don d'instase c'est quand tout concorde un instant. Réceptivité à la nature, aux bêtes, aux sensations, au surnaturel, à l'esprit du monde ; joie d'habiter et recueillement sont les maîtres mots. Mais la contrepartie du don est sombre et cherche à tout gâcher. L'auteure écrit dans cette tension.
Ma maîtresse forme souligne non seulement la primauté de la nature mais aussi la nécessité vitale de l'écriture, et plus particulièrement en poésie. Montaigne dit que chacun s'il s'écoute découvrira en lui un caractère dominant (forme sienne, maîtresse forme, forme universelle). C'est au moyen de celle-ci que la nature se fait sentir en nous. Et c'est bien la nature, la terre matricielle, qui se fait entendre ici: la terre, la forêt, les bêtes, puis l'écriture et ses lieux, l'enracinement et la filiation, le souvenir et le deuil, et enfin les invisibles.
Mais le point central de ce livre est qu'il est conçu comme un livre bilingue, où une langue serait écrite et l'autre entendue, entendue en quelque sorte de la bouche même de l'auteure, avec tout ce que l'écoute peut avoir de singulier.
Une main invisible précède le regard du lecteur et lui donne l'impression de modeler la matière du vers. C'est déjà fait, et bien fait, mais la formation rest désirante et par des suspens, des syncopes, des brusqueries, des précipitations, elle est maintenue en révolte contre elle-même.
Les mots ne sont pas plantés dans la poésie : ils remuent, tressautent, veulent un peu plus d'amour ou d'attention. Les voilà qui dressent des organes inattendus, projettent des figures inconvenantes, cherchent l'accouplement avec l'oeil qui les touche. Il faut que lire comme écrire soient une tâche organique...
Le titre volontairement ambigu de ce recueil souligne la volonté de l'auteure d'explorer par le poème le rapport du corps au langage, de la lecture au réel... à travers les métamorphoses picturales, livresques ou charnelles de Diane, son héroïne.