Grasset
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« Tant de fois je me suis tenue avec des mourants et avec leurs familles. Tant de fois j'ai pris la parole à des enterrements, puis entendu les hommages de fils et de filles endeuillés, de parents dévastés, de conjoints détruits, d'amis anéantis... »
Etre rabbin, c'est vivre avec la mort : celle des autres, celle des vôtres. Mais c'est surtout transmuer cette mort en leçon de vie pour ceux qui restent : « Savoir raconter ce qui fut mille fois dit, mais donner à celui qui entend l'histoire pour la première fois des clefs inédites pour appréhender la sienne. Telle est ma fonction. Je me tiens aux côtés d'hommes et de femmes qui, aux moments charnières de leurs vies, ont besoin de récits. »
A travers onze chapitres, Delphine Horvilleur superpose trois dimensions, comme trois fils étroitement tressés : le récit, la réflexion et la confession. Le récit d' une vie interrompue (célèbre ou anonyme), la manière de donner sens à cette mort à travers telle ou telle exégèse des textes sacrés, et l'évocation d'une blessure intime ou la remémoration d'un épisode autobiographique dont elle a réveillé le souvenir enseveli.
Nous vivons tous avec des fantômes : « Ceux de nos histoires personnelles, familiales ou collectives, ceux des nations qui nous ont vu naître, des cultures qui nous abritent, des histoires qu'on nous a racontées ou tues, et parfois des langues que nous parlons. » Les récits sacrés ouvrent un passage entre les vivants et les morts. « Le rôle d'un conteur est de se tenir à la porte pour s'assurer qu'elle reste ouverte » et de permettre à chacun de faire la paix avec ses fantômes... -
Il n'y a pas de Ajar : monologue contre l'identité
Delphine Horvilleur
- Grasset
- Littérature Française
- 14 Septembre 2022
- 9782246831570
L'étau des obsessions identitaires, des tribalismes d'exclusion et des compétitions victimaires se resserre autour de nous. Il est vissé chaque jour par tous ceux qui défendent l'idée d'un « purement soi », et d'une affiliation « authentique » à la nation, l'ethnie ou la religion. Nous étouffons et pourtant, depuis des années, un homme détient, d'après l'auteure, une clé d'émancipation : Emile Ajar.
Cet homme n'existe pas... Il est une entourloupe littéraire, le nom que Romain Gary utilisait pour démontrer qu'on n'est pas que ce que l'on dit qu'on est, qu'il existe toujours une possibilité de se réinventer par la force de la fiction et la possibilité qu'offre le texte de se glisser dans la peau d'un autre. J'ai imaginé à partir de lui un monologue contre l'identité, un seul-en-scène qui s'en prend violemment à toutes les obsessions identitaires du moment.
Dans le texte, un homme (joué sur scène par une femme...) affirme qu'il est Abraham Ajar, le fils d'Emile, rejeton d'une entourloupe littéraire. Il demande ainsi au lecteur/spectateur qui lui rend visite dans une cave, le célèbre « trou juif » de La Vie devant soi : es-tu l'enfant de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ? Es-tu sûr de l'identité que tu prétends incarner ?
En s'adressant directement à un mystérieux interlocuteur, Abraham Ajar revisite l'univers de Romain Gary, mais aussi celui de la kabbale, de la Bible, de l'humour juif... ou encore les débats politiques d'aujourd'hui (nationalisme, transidentité, antisionisme, obsession du genre ou politique des identités, appropriation culturelle...).
Le texte de la pièce est précédé d'une préface Delphine Horvilleur sur Romain Gary et son oeuvre. Dans chacun des livres de Gary se cachent des « dibbouks », des fantômes qui semblent s'échapper de vieux contes yiddish, ceux d'une mère dont les rêves l'ont construit, ceux d'un père dont il invente l'identité, les revenants d'une Europe détruite et des cendres de la Shoah, ou l'injonction d'être un « mentsch », un homme à la hauteur de l'Histoire.
« J'avais 6 ans lorsque Gary s'est suicidé, l'âge où j'apprenais à lire et à écrire. Il m'a souvent semblé, dans ma vie de lectrice puis d'écrivaine que Gary était un de mes « dibbouks » personnels... Et que je ne cessais de redécouvrir ce qu'il a su magistralement démontrer : l'écriture est une stratégie de survie. Seule la fiction de soi, la réinvention permanente de notre identité est capable de nous sauver. L'identité figée, celle de ceux qui ont fini de dire qui ils sont, est la mort de notre humanité. » -
Le Labyrinthe des égarés : L'Occident et ses adversaires
Amin Maalouf
- Grasset
- essai français
- 4 Octobre 2023
- 9782246830443
Une guerre dévastatrice vient d'éclater au coeur de l'Europe, qui ravive les pires traumatismes du passé ; des menaces de cataclysme nucléaire sont constamment agitées, alors qu'on les croyait définitivement écartées ; un bras de fer planétaire se déroule, opposant l'Occident à la Chine et à la Russie... Il est clair qu'un bouleversement majeur est en train de se produire, qui affecte déjà notre mode de vie, et qui remet en cause les fondements mêmes de notre civilisation. Chacun en a conscience, mais personne encore n'a contemplé cette crise avec la profondeur de champ qu'elle mérite.
Comment en est-on arrivé là ? Amin Maalouf remonte, dans ce livre, aux origines de ce nouvel affrontement entre l'Occident et ses adversaires, en retraçant l'itinéraire de quatre grandes nations : d'abord le Japon de l'ère Meiji, qui fut le premier pays d'Asie à défier la suprématie des nations « blanches », et dont la modernisation accélérée fascina l'humanité entière, notamment les autres pays d'Orient, qui tous rêvèrent de l'imiter ; puis la Russie soviétique, qui constitua, pendant trois-quarts de siècle, une formidable menace pour l'Occident, son système et ses valeurs, avant de s'effondrer ; ensuite la Chine, qui représente en ce vingt-et-unième siècle, par son développement économique, par son poids démographique et par l'idéologie de ses dirigeants, le principal défi à la suprématie de l'Occident ; et enfin les Etats-Unis, qui ont tenu tête à chacun des trois « challengers », et qui sont devenus, au fil des guerres, le chef suprême de l'Occident et la première superpuissance planétaire.
L'ensemble de ces récits constitue une grande fresque historique qui éclaire, comme on ne l'avait jamais vu jusqu'ici, les enjeux des conflits en cours, les motivations des protagonistes, et les étranges paradoxes de notre époque.
En exergue du livre, l'auteur cite cette parole si pertinente de Faulkner : « Le passé ne meurt jamais. Il ne faut même pas le croire passé. » -
« Je suis une vieille blanche hétérosexuelle, cisgenre, mère de famille, grand-mère d'origine petite-bourgeoise, appartenant à un milieu privilégié, engagée à gauche depuis des décennies et croyant encore en elle. Autant vous dire que je ne suis pas du tout à la mode. Mais je suis féministe et surtout féministe. »
L.A.
Ce livre est un vagabondage, une balade géographique, des instants vécus, des rencontres avec des femmes dites « ordinaires », des conversations avec des jeunes filles, des enquêtes dans le milieu associatif où chaque jour, des femmes remarquables aident des femmes en difficulté. C'est aussi un voyage littéraire et historique pour tenter d'éclairer ce que fut être femme et ce que veut dire être femme aujourd'hui. C'est un cheminement, une tentative d'élucidation.
Un manifeste féministe. -
Une vie heureuse
Ginette Kolinka, Marion Ruggieri
- Grasset
- essai français
- 25 Janvier 2023
- 9782246832393
Ginette Kolinka, qui va fêter ses 98 ans, habite le même appartement depuis qu'elle a dix ans.
Elle a toujours vécu là, rue Jean-Pierre Timbaud, au coeur de Paris, à l'exception de trois ans : de 1942 à 1945.
Cet appartement, c'est sa vie qui défile devant nos yeux. Il y a les portraits de ceux qui ne sont pas revenus de Birkenau : son père, son petit frère, son neveu.
Les disques d'or de son fils unique, Richard, batteur du groupe Téléphone.
Les photos de ses cinq soeurs, Ginette est la cadette, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants.
Les dessins des écoliers, à qui elle raconte désormais son histoire, tous les jours, aux quatre coins de la France.
Et même les meubles qu'ont laissés les « collabos ».
Ginette nous fait la visite.
On traverse le temps : l'atelier de confection de son père, la guerre, ce mari adorable et blagueur. Les marchés, qui l'ont sauvée. Et les camps qui affleurent à chaque page, à chaque pas.
Mais Ginette, c'est la vie ! Le grand présent. « On me demande pourquoi je souris tout le temps, mais parce que j'ai tout pour être heureuse ! » -
Après Le droit d'emmerder Dieu, éloge du droit au blasphème, Richard Malka revient sur l'origine profonde d'une guerre millénaire au sein de l'Islam : la controverse brûlante sur la nature du Coran.
Plus qu'une plaidoirie, ces pages mûries pendant des années questionnent ce qu'il est advenu de l'Islam entre le VIIème et le XIème siècle, déchiré entre raison et soumission.
Les radicaux ont gagné, effectuant un tri dans le Coran et les paroles du Prophète, oppressant leurs ennemis - au premier rang desquels les musulmans modérés, les musiciens, artistes, philosophes, libres penseurs, les femmes et minorités sexuelles.
Plonger avec passion dans cette cassure au sein d'une religion n'est pas être « islamophobe », c'est regarder l'histoire en face.
Traité sur l'intolérance est une méditation puissante, un appel aux islamologues du savoir et de la nuance - pour qu'enfin chacun sache, comprenne, échange, s'exprime. -
Le savoir des victimes : Comment on a écrit l'histoire de Vichy et du génocide des juifs de 1945 à nos jours
Laurent Joly
- Grasset
- essai français
- 22 Janvier 2025
- 9782246824008
Comment l'histoire du régime de Vichy et du génocide des juifs a-t-elle été écrite en France depuis 1945 ? Sous quelle forme, dans quel contexte et au terme de quels combats la vérité sur les crimes antisémites de Vichy s'est-elle imposée au plus grand nombre ?
C'est ce que cet essai d'histoire de l'histoire se propose d'interroger : une plongée dans l'histoire de France des années 1940 jusqu'à nos jours, à travers les livres, les polémiques de presse, les controverses intellectuelles, les films, les émissions de télévision, et aussi les politiques commémoratives et les affaires judiciaires. Laurent Joly, dans cette synthèse magistrale, raconte le récit mensonger, largement diffusé jusqu'à la fin des années 1960, fondée sur la stratégie judiciaire de Pétain et Laval, qui tentèrent de faire passer leur action criminelle pour une politique de « moindre mal » destinée à sauver les juifs français. Il révèle aussi un travail historique fondé sur les archives, élaboré par les chercheurs d'une institution unique au monde, le Centre de documentation juive contemporaine (CDJC), dès 1945 ; et une approche « pacifiante » - portée par journalistes ou universitaires soucieux de « réconciliation nationale », au prix de la vérité scientifique...
Cette histoire fut racontée aussi à travers des travaux et des destins - historiens, journalistes, militants de la mémoire et hommes politiques, témoins, sur plus de cinquante ans : Léon Poliakov, Joseph Billig, Serge Klarsfeld ; Henri Michel, Robert Paxton ou Henry Rousso ; Raymond Aron, Robert Aron ou Henri Amouroux ; Josée Laval, René de Chambrun, Me Isorni ou Alfred Fabre-Luce ; Charles de Gaulle ou François Mitterrand.
La vérité sur un crime d'Etat ne peut résider dans un « juste milieu » entre le point de vue des « bourreaux » et celui des « victimes ». Ce n'est que lorsque les intermédiaires culturels, ainsi que les autorités politiques et judiciaires, ordinairement portés vers la vision « pacifiante », prennent sérieusement en compte la souffrance des « victimes » et portent un regard véritablement critique sur les justifications des « bourreaux », s'approchant ainsi de la posture scientifique des chercheurs spécialisés, que l'apaisement civique et la réconciliation nationale sont possibles. -
Gisèle Halimi : Soixante-dix ans de combats, d'engagement au service de la justice et de la cause des femmes. Et la volonté, aujourd'hui, de transmettre ce qui a construit cet activisme indéfectible, afin de dire aux nouvelles générations que l'injustice demeure, qu'elle est plus que jamais intolérable. Gisèle Halimi revient avec son amie, Annick Cojean, qui partage ses convictions féministes, sur certains épisodes marquants de son parcours rebelle pour retracer ce qui a fait un destin. Sans se poser en modèle, l'avocate qui a toujours défendu son autonomie, enjoint aux femmes de ne pas baisser la garde, de rester solidaires et vigilantes, et les invite à prendre le relai dans le combat essentiel pour l'égalité à l'heure où, malgré les mouvements de fond qui bouleversent la société, la cause des femmes reste infiniment fragile.
Depuis l'enfance, la vie de Gisèle Halimi est une fascinante illustration de sa révolte de « fille ». Farouchement déterminée à exister en tant que femme dans l'Afrique du Nord des années 30, elle vit son métier comme un sacerdoce et prend tous les risques pour défendre les militants des indépendances tunisienne et algérienne et dénoncer la torture. Avocate plaidant envers et contre tout pour soutenir les femmes les plus vulnérables ou blessées, elle s'engage en faveur de l'avortement et de la répression du viol, dans son métier aussi bien que dans son association « Choisir la cause des femmes ». Femme politique insubordonnée mais aussi fille, mère, grand-mère, amoureuse... Gisèle Halimi vibre d'une énergie passionnée, d'une volonté d'exercer pleinement la liberté qui résonne à chaque étape de son existence.
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque » : ces mots de René Char, son poète préféré, pourraient définir Gisèle Halimi, cette « avocate irrespectueuse », et sa vie de combats acharnés pour la justice et l'égalité. -
Le temps des féminismes
Michelle Perrot, Eduardo Castillo
- Grasset
- Essai
- 18 Janvier 2023
- 9782246830283
On ne naît pas féministe, alors comment le devient-on ? Précurseure de l'histoire des femmes, Michelle Perrot, 94 ans, livre ici un magnifique texte à la fois intime et théorique, livre d'histoire et autobiographie. Celle à qui son père conseillait de ne pas se mettre trop tôt un homme sur le dos, qui se rappelle avoir toujours voulu être comme les autres, abolir les différences avec les hommes, aborde son cheminement, de l'engagement chrétien au féminisme en passant par le communisme. Son itinéraire intellectuel, depuis sa thèse où elle voit rétrospectivement un regard presque masculin sur les femmes, donne à voir un siècle de changements sociétaux et la profondeur historique des luttes qui agitent aujourd'hui nos sociétés.
Première historienne à enseigner l'histoire des femmes en France, en 1973, Michelle Perrot nous emmène dans une épopée au féminin en explorant toutes ses ramifications : l'histoire de l'accession à l'égalité, l'histoire du patriarcat, l'histoire du mouvement féministe et des grands débats qui l'ont parcouru et structuré, sur le corps, le genre, l'universalisme contre le différentialisme, la sororité, MeToo. Dans ces pages, la grande histoire se mêle au destin des femmes qui ont porté leur cause et l'on voisine avec Artemisia Gentileschi, Olympe de Gouges, Lucie Baud, Christine Bard, Hubertine Auclert ; l'on dialogue avec Monique Wittig, Arlette Farge, Yvette Roudy, Antoinette Fouque...
La pensée lumineuse de Michelle Perrot, sans rien omettre des sujets les plus épineux, permet de déconstruire et parfois même de dépasser les clivages du féminisme contemporain. Le livre essentiel d'une pionnière, témoin d'un siècle de féminisme, dont l'engagement n'a d'égal que sa hauteur de vue. -
" Depuis que j'ai quitté le Liban pour m'installer en France, que de fois m'a-t-on demandé, avec les meilleures intentions du monde, si je me sentais " plutôt français " ou " plutôt libanais ". Je réponds invariablement : " L'un et l'autre ! " Non par quelque souci d'équilibre ou d'équité, mais parce qu' en répondant différemment, je mentirais. Ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c'est que je suis ainsi à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C'est cela mon identité ? "
Partant d'une question anodine qu'on lui a souvent posée, Amin Maalouf s'interroge sur la notion d'identité, sur les passions qu'elle suscite, sur ses dérives meurtrières. Pourquoi est-il si difficile d'assumer en toute liberté ses diverses appartenances ? Pourquoi faut-il, en cette fin de siècle, que l'affirmation de soi s'accompagne si souvent de la négation d'autrui ? Nos sociétés seront-elles indéfiniment soumises aux tensions, aux déchaînements de violence, pour la seule raison que les êtres qui s'y côtoient n'ont pas tous la même religion, la même couleur de peau, la même culture d'origine ? Y aurait-il une loi de la nature ou une loi de l'Histoire qui condamne les hommes à s'entretuer au nom de leur identité ?
C'est parce qu'il refuse cette fatalité que l'auteur a choisi d'écrire les Identités meurtrières, un livre de sagesse et de lucidité, d'inquiétude mais aussi d'espoir.
Amin Maalouf a publié les Croisades vues par les Arabes, ainsi que six romans : Léon l'Africain, Samarcande, les jardins de lumière, le Premier siècle après Béatrice, le Rocher de Tanios et les Echelles du Levant. -
La civilisation du poisson rouge ; petit traité sur le marché de l'attention
Bruno Patino
- Grasset
- essai français
- 10 Avril 2019
- 9782246819301
« Le poisson rouge tourne dans son bocal. Il semble redécouvrir le monde à chaque tour. Les ingénieurs de Google ont réussi à calculer la durée maximale de son attention : 8 secondes. Ces mêmes ingénieurs ont évalué la durée d'attention de la génération des millenials, celle qui a grandi avec les écrans connectés : 9 secondes. Nous sommes devenus des poissons rouges, enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés.
Une étude du Journal of Social and Clinical Psychology évalue à 30 minutes le temps maximum d'exposition aux réseaux sociaux et aux écrans d'Internet au-delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale. D'après cette étude, mon cas est désespéré, tant ma pratique quotidienne est celle d'une dépendance aux signaux qui encombrent l'écran de mon téléphone. Nous sommes tous sur le chemin de l'addiction : enfants, jeunes, adultes.
Pour ceux qui ont cru à l'utopie numérique, dont je fais partie, le temps des regrets est arrivé. Ainsi de Tim Berners Lee, « l'inventeur » du web, qui essaie de désormais de créer un contre-Internet pour annihiler sa création première. L'utopie, pourtant, était belle, qui rassemblait, en une communion identique, adeptes de Teilhard de Chardin ou libertaires californiens sous acide.
La servitude numérique est le modèle qu'ont construit les nouveaux empires, sans l'avoir prévu, mais avec une détermination implacable. Au coeur du réacteur, nul déterminisme technologique, mais un projet qui traduit la mutation d'un nouveau capitaliste : l'économie de l'attention. Il s'agit d'augmenter la productivité du temps pour en extraire encore plus de valeur. Après avoir réduit l'espace, il s'agit d'étendre le temps tout en le comprimant, et de créer un instantané infini. L'accélération générale a remplacé l'habitude par l'attention, et la satisfaction par l'addiction. Et les algorithmes sont aujourd'hui les machines-outils de cette économie...
Cette économie de l'attention détruit, peu à peu, nos repères. Notre rapport aux médias, à l'espace public, au savoir, à la vérité, à l'information, rien n'échappe à l'économie de l'attention qui préfère les réflexes à la réflexion et les passions à la raison. Les lumières philosophiques s'éteignent au profit des signaux numériques. Le marché de l'attention, c'est la société de la fatigue.
Les regrets, toutefois, ne servent à rien. Le temps du combat est arrivé, non pas pour rejeter la civilisation numérique, mais pour en transformer la nature économique et en faire un projet qui abandonne le cauchemar transhumaniste pour retrouver l'idéal humain... »B.P. -
Le Vertige MeToo : Trouver l'équilibre après la nouvelle révolution sexuelle
Caroline Fourest
- Grasset
- essai français
- 11 Septembre 2024
- 9782246825678
« Nous vivons une nouvelle révolution sexuelle. Après la libération, voici venu le temps du respect. Sept ans après MeToo, pas jour sans que l'arène publique ne soit secouée par des révélations qui rencontrent enfin l'écoute. Revers de la médaille, des hommes et quelques femmes sont mis dans le même sac MeToo pour des accusations très différentes, allant de graves agressions sexuelles à des malentendus sexistes. Il y a ceux qu'on soupçonne d'avoir employé la force ou exercé leur emprise, et parfois de simples éconduits, à qui l'on reproche une maladresse isolée. Il y a les prédateurs que plusieurs dénoncent, et ceux qu'une seule femme accuse. Il y a les relaxés faute de preuves, et les blanchis qui vivent toujours à l'ombre du doute... Dans cette liste, beaucoup de coupables, enfin exposés, et quelques innocents, brûlés vifs sur le bûcher médiatique. La honte a changé de camp, mais la meute aussi. Et sa guillotine est à géométrie variable, selon qui accuse et la notoriété de l'accusé.
Comment reconnaître le faux MeToo du vrai ? Faut-il se fier uniquement à la presse ou attendre la justice ? Croire l'accusation sur parole ou respecter la présomption d'innocence ? Bannir à vie ou préférer une riposte graduée ? Ce livre a pour but de retrouver un équilibre, féministe et juste, après le vertige. »
C. F.
Du Mouvement de libération des femmes à l'après MeToo, de l'affaire Weinstein aux mille autres secouant le cinéma et les médias, jusqu'à son intime expérience, Caroline Fourest dissèque les ombres et lumières d'un séisme qui a changé nos vies. Un éclairage indispensable pour ne pas transformer une révolution en terreur, et garder le cap : celui de la lutte contre les abus de pouvoir. Cinquante nuances en zone grise. Pour sauver MeToo de ses excès -
C'est sur un paquebot trop confortable, en route pour l'Amérique du Sud, que Stefan Zweig eut l'idée de cette odyssée biographique. Il songea aux conditions épouvantables des voyages d'autrefois, au parfum de mort salée qui flottait sur les bougres et les héros, à leur solitude. Il songea à Magellan, qui entreprit, le 20 septembre 1519, à 39 ans, le premier voyage autour du monde. Un destin exceptionnel...
Sept ans de campagne militaire en Inde n'avaient rapporté à Magellan le Portugais qu'indifférence dans sa patrie. Il convainc alors le roi d'Espagne, Charles-Quint, d'un projet fou ; " Il existe un passage conduisant de l'océan Atlantique à l'océan Indien. Donnez-moi une flotte et je vous le montrerai et je ferai le tour de la terre en allant de l'est à l'ouest " (C'était compter sans l'océan Pacifique, inconnu à l'époque..). Jalousies espagnoles, erreurs cartographiques, rivalités, mutineries, désertions de ses seconds pendant la traversée, froids polaires, faim et maladies, rien ne viendra à bout de la détermination de Magellan, qui trouvera à l'extrême sud du continent américain le détroit qui porte aujourd'hui son nom.
Partie de Séville avec cinq cotres et 265 hommes, l'expédition reviendra trois ans plus tard, réduite à 18 hommes sur un raffiot. Epuisée, glorieuse. Sans Magellan qui trouva une mort absurde lors d'une rixe avec des sauvages aux Philippines, son exploit accompli.
Dans ce formidable roman d'aventures, Zweig exalte la volonté héroïque de Magellan, qui prouve qu'" une idée animée par le génie et portée par la passion est plus forte que tous les éléments réunis et que toujours un homme, avec sa petite vie périssable, peut faire de ce qui a paru un rêve à des centaines de générations une réalité et une vérité impérissables ". -
L'affaire Petiot et la Shoah : Un tueur en série sous l'Occupation
Jean-Marc Dreyfus
- Grasset
- Document français
- 19 Mars 2025
- 9782246841395
Le docteur Marcel Petiot, surnommé Docteur Satan, est connu comme l'un des plus terribles tueurs en série français du xxème siècle - il est l'auteur d'au moins 26 meurtres dans le Paris occupé. Il fut condamné à mort et exécuté au printemps 1946, lors d'un procès qui passionna tout le pays.
Plusieurs ouvrages lui ont été consacrés, mais aucun ne se base sur un travail scientifique d'historien. Jean-Marc Dreyfus a retrouvé les documents de l'enquête policière, le dossier d'instruction et même certains membres des familles de victimes, pour enfin reconstituer avec la minutie nécessaire ce chapitre de l'histoire de France. Au-delà des révélations sur le parcours des personnes assassinés ou les méthodes de Petiot, L'affaire Petiot et la Shoah remet l'affaire dans son contexte, celui de l'Occupation. La majorité des proies étaient juives, d'autres non mais avaient des liens avec des Juifs, dont les malfrats qui s'étaient mis au service de la Gestapo. Et même si les juges ont voulu éviter de faire du procès Petiot un procès politique, c'est bien là que la persécution des Juifs de France a été décrite avec ses méthodes et ses conséquences, pour la première fois publiquement, dès 1946.
L'affaire Petiot et la Shoah se lit à la fois comme un true crime, grâce à une narration incarnée et haletante, et comme un livre d'histoire qui nous éclaire sur cette affaire hors-normes : l'un des plus grands tueurs en série français torturant, tuant et brûlant des Juifs entre 1942 et 1944, en plein Paris. -
Il faut prêter attention aux analyses d'Amin Maalouf : ses intuitions se révèlent des prédictions, tant il semble avoir la prescience des grands sujets avant qu'ils n'affleurent à la conscience universelle. Il s'inquiétait il y a vingt ans de la montée des Identités meurtrières ; il y a dix ans du Dérèglement du monde. Il est aujourd'hui convaincu que nous arrivons au seuil d'un naufrage global, qui affecte toutes les aires de civilisation.
L'Amérique, bien qu'elle demeure l'unique superpuissance, est en train de perdre toute crédibilité morale. L'Europe, qui offrait à ses peuples comme au reste de l'humanité le projet le plus ambitieux et le plus réconfortant de notre époque, est en train de se disloquer. Le monde arabo-musulman est enfoncé dans une crise profonde qui plonge ses populations dans le désespoir, et qui a des répercussions calamiteuses sur l'ensemble de la planète. De grandes nations « émergentes » ou « renaissantes », telles la Chine, l'Inde ou la Russie, font irruption sur la scène mondiale dans une atmosphère délétère où règne le chacun-pour-soi et la loi du plus fort. Une nouvelle course aux armements paraît inéluctable. Sans compter les graves menaces (climat, environnement, santé) qui pèsent sur la planète et auxquelles on ne pourrait faire face que par une solidarité globale qui nous fait précisément défaut.
Depuis plus d'un demi-siècle, l'auteur observe le monde, et le parcourt. Il était à Saigon à la fin de la guerre du Vietnam, à Téhéran lors de l'avènement de la République islamique. Dans ce livre puissant et ample, il fait oeuvre à la fois de spectateur engagé et de penseur, mêlant récits et réflexions, racontant parfois des événements majeurs dont il s'est trouvé être l'un des rares témoins oculaires, puis s'élevant en historien au-dessus de sa propre expérience afin de nous expliquer par quelles dérives successives l'humanité est passée pour se retrouver ainsi au seuil du naufrage. -
L'enfant-écran : Comment échapper à la pandémie numérique
Eric Osika, Sylvie Dieu Osika
- Grasset
- Document français
- 29 Janvier 2025
- 9782246840787
On casse des bébés, on casse des enfants. On fabrique des petits qui, à trois ans, ne parlent pas mais ânonnent des bouts de comptines en anglais ou répètent le nom de personnages de dessins animés. Des nourrissons qui, faute de paroles et de regards qui leur soient adressés, se désintéressent du monde qui les entoure. On casse des bébés, on casse des enfants en leur donnant un écran pour nounou matin, midi et soir : au moment de s'habiller, de manger, de s'endormir, de calmer une colère ou un chagrin. Cette catastrophe sanitaire s'est installée à notre insu mais elle concerne tout le monde : Nous. Vous. Moi. Elle devrait être un enjeu prioritaire de santé publique, et l'objet d'une mobilisation collective : c'est une pandémie.
Aujourd'hui, Sylvie et Eric Osika, pédiatres engagés (en cabinet et à l'hôpital), parents et grands-parents, tirent la sonnette d'alarme. Non, alerter n'est pas culpabiliser les familles ou refuser le progrès. C'est sauver nos enfants de l'emprise orchestrée par l'industrie numérique. Car la première préoccupation, un peu vague, des années 2010, est devenue une inquiétude massive et mondiale. Dépendance grave face aux écrans. Difficultés majeures de l'attention, retard de langage. Comportements autistiques croissants. Colères et insomnies. Il est temps d'agir. Les auteurs racontent et proposent : du cabinet médical en salle de classe, de la rue à la maison, comment agir, seul, ensemble, avec les pouvoirs publics. Retrouver temps, énergie, regard, rêverie, partage - non pas un monde parfait, mais un monde humain. -
Autocratie(s) : Quand les dictateurs s'associent pour diriger le monde
Anne Applebaum
- Grasset
- Essais Etranger
- 15 Janvier 2025
- 9782246834120
« Si Trump parvient à utiliser les cours fédérales et les forces de l'ordre contre ses ennemis, de pair avec une campagne massive de trolling, le mélange des mondes autocratique et démocratique sera complet. » A.A.
Les autocraties travaillent désormais ensemble pour assurer surveillance et désinformation afin de détruire la démocratie. Les dirigeants russe, chinois, iranien, vénézuélien, ou nord-coréen savent que le langage de la transparence, de la responsabilité, de la justice et de la liberté séduira toujours une partie de leurs citoyens, et que pour rester au pouvoir, ils doivent saper ces idées.
Autocrati(e)s décrit ce nouveau monde kleptocrate et autoritaire - d'où il vient, pourquoi il dure, comment il fonctionne, de quelle façon l'Occident a involontairement contribué à le consolider -, et la manière dont nous devrions nous organiser pour lui faire face.
« Courageux et clairvoyant. » The Guardian
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Aude de Saint Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat -
Paru en Italie en 1997 dans un volume d'essais intitulé Cinq questions de morale, traduit chez Grasset en 2000, Reconnaître le fascisme d'Umberto Eco est un texte d'une extrême actualité : le témoignage lucide et terrible d'un des plus grands intellectuels du XXe siècle, qui a grandi dans l'Italie de Mussolini.
Quatorze. Tel est le nombre des caractéristiques qui permettent de déterminer si une idéologie, un mouvement, une société sont fascistes, selon Umberto Eco. Il y a les plus évidentes : la haine de la culture, l'obsession du complot, le refus de l'étranger. D'autres, plus insidieuses, bénignes en apparence, aboutissent au même résultat si l'on n'y prend garde : la peur du langage complexe, l'idée d'un peuple doté d'une volonté propre, le fait de considérer les désaccords comme des trahisons.
Les sociétés démocratiques sont-elles à l'abri d'un retour du fascisme ? Non, dit Umberto Eco, qui nous met en garde contre le masque innocent que prendra le fascisme pour revenir au pouvoir. « Ce serait tellement plus confortable si quelqu'un s'avançait sur la scène du monde pour dire : "Je veux rouvrir Auschwitz, je veux que les chemises noires reviennent parader dans les rues italiennes !" Hélas, la vie n'est pas aussi simple. » Les clefs pour débusquer et combattre une idéologie mortifère. -
« C'est un carnet de voyage au pays que nous irons tous habiter un jour. C'est un récit composé de choses vues sur la place des villages, dans la rue ou dans les cafés. C'est une enquête tissée de rencontres avec des gens connus mais aussi des inconnus. C'est surtout une drôle d'expérience vécue pendant quatre ans de recherche et d'écriture, dans ce pays qu'on ne sait comment nommer : la vieillesse, l'âge ?
Les mots se dérobent, la manière de le qualifier aussi. Aurait-on honte dans notre société de prendre de l'âge ? Il semble que oui. On nous appelait autrefois les vieux, maintenant les seniors. Seniors pas seigneurs. Et on nous craint - nous aurions paraît-il beaucoup de pouvoir d'achat - en même temps qu'on nous invisibilise. Alors que faire ? Nous mettre aux abris ? Sûrement pas ! Mais tenter de faire comprendre aux autres que vivre dans cet étrange pays peut être source de bonheur...
Plus de cinquante après l'ouvrage magistral de Simone de Beauvoir sur la vieillesse, je tente de comprendre et de faire éprouver ce qu'est cette chose étrange, étrange pour soi-même et pour les autres, et qui est l'essence même de notre finitude.
« Tu as quel âge ? » Seuls les enfants osent vous poser aujourd'hui ce genre de questions, tant le sujet est devenu obscène. A contrario, j'essaie de montrer que la sensation de l'âge, l'expérience de l'âge peuvent nous conduire à une certaine intensité d'existence. Attention, ce livre n'est en aucun cas un guide pour bien vieillir, mais la description subjective de ce que veut dire vieillir, ainsi qu'un cri de colère contre ce que la société fait subir aux vieux. La vieillesse demeure un impensé. Simone de Beauvoir avait raison : c'est une question de civilisation. Continuons le combat ! »L.A. -
« Enfant, je m'imaginais en garçon. J'ai depuis réalisé un rêve bien plus grand : je suis lesbienne. Faute de modèles auxquels m'identifier, il m'a fallu beaucoup de temps pour le comprendre. Puis j'ai découvert une histoire, une culture que j'ai embrassées et dans lesquelles j'ai trouvé la force de bouleverser mon quotidien, et le monde. »
Journaliste dans un quotidien pendant plusieurs années, la parole d'Alice Coffin, féministe, lesbienne, militante n'a jamais pu se faire entendre, comme le veut la sacrosainte neutralité de la profession. Pourtant, nous dit-elle, celle-ci n'existe pas.
Dans cet essai très personnel, Alice Coffin raconte et tente de comprendre pourquoi, soixante-dix ans après la publication du Deuxième sexe, et malgré toutes les révolutions qui l'ont précédé et suivi, le constat énoncé par Simone de Beauvoir, « le neutre, c'est l'homme », est toujours d'actualité. Elle y évoque son activisme au sein du groupe féministe La Barbe, qui vise à « dénoncer le monopole du pouvoir, du prestige et de l'argent par quelques milliers d'hommes blancs. » Elle revient sur l'extension de la PMA pour toutes, sur la libération de la parole des femmes après #Metoo ; interroge aussi la difficulté de « sortir du placard ». Et sans jamais dissocier l'intime du politique, nous permet de mieux comprendre ce qu'être lesbienne aujourd'hui veut dire, en France et dans le monde.
Combattif et joyeux, Le génie lesbien est un livre sans concession, qui ne manquera pas de susciter le débat.
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Une nuit en France
Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna, Marc Leplongeon
- Grasset
- Document français
- 19 Mars 2025
- 9782246832997
Samedi 18 novembre 2023. Un adolescent est tué d'un coup de couteau en plein coeur à la fin d'un bal de village, à Crépol, en Isère. Trois autres personnes sont grièvement blessées. Très vite, l'information se répand que les jeunes agresseurs seraient originaires de la Monnaie, un quartier sensible de Romans-sur-Isère.
Dès le lendemain, on parle de « l'ensauvagement de la France », le ministre de l'Intérieur reprend l'expression, chère à l'extrême droite, et la scène politique s'embrase. Les identités des suspects fuitent sur les réseaux sociaux. La fachosphère s'en empare, avec cette phrase, vraie, ou non, reprise partout : « ils sont venus pour planter des blancs »... Les familles reçoivent des menaces de mort. Des manifestations sont organisées dans toutes les villes.
Cette nuit, et la profonde crise politique et sociale qu'elle a entrainée, est l'occasion d'une plongée inédite au coeur de notre pays. Entre récit d'une soirée d'angoisse et de violence, portrait d'un quartier où les difficultés s'accroissent, anatomie d'une crise médiatique et plongée dans une enquête policière qui s'enlise, les auteurs de Mimi nous dévoile les coulisses d'un fait divers qui a déchiré la France. -
Et maintenant, que faisons-nous ?
Flore Vasseur
- Grasset
- Document français
- 2 Octobre 2024
- 9782246840329
« - Et toi, maman, tu fais quoi pour que la planète ne meure pas ? ». Telle est la question d'un fils de sept ans, des questions que nous redoutons tous. Six des neuf limites planétaires sont franchies, annonçant des effondrements psychiques, économiques, sociaux et démocratiques en rafale. C'est une pensée impossible, comme une barrière infranchissable à la conscience... Alors que dire à nos enfants ? Comment leur donner envie de vivre ? Et nous, comment rester dignes ?
Pour tenter de répondre à son fils, Flore Vasseur est partie à la recherche de jeunes engagés à travers le monde, à peine plus âgés : à 15, 18 ou 25 ans, ils agissent là où adultes et autorités ont déserté. Droits des femmes au Malawi, liberté d'expression au Brésil, sauvetage des réfugiés en mer Méditerranée... Flore Vasseur a rassemblé leurs actions dans un documentaire exceptionnel, « Bigger than us », qui interpelle chefs d'entreprises et jeunes de toutes origines, confronte les uns à leurs décisions et (in)conséquences, et sensibilise à ce monde en pleine redéfinition.
Dans ces pages sans concession, d'une écriture libre, parfois vive, aussi tendre, Flore Vasseur ouvre de nouveaux chemins. Oui, le capitalisme et notre croyance folle en une croissance érigée en projet de société nous condamnent. Mais il y a quelque chose à tenter. À chaque instant, l'autrice cherche à convaincre, à lutter contre les préjugés ou les pensées limitantes. Et offre enfin, comme un espoir, des pistes humanistes, morales et politiques. En nos temps de fragmentation extrême, la seule réponse à la peur, c'est l'amour. -
Berger : L'existence sans refuge
Joseph Boussion
- Grasset
- Document français
- 12 Février 2025
- 9782246828280
Tout quitter pour revenir à la nature et jouir d'une vie frugale et tranquille, qui n'en a pas déjà rêvé ? Au tournant de la trentaine, après avoir couru après la réussite et le temps, connu la vie de bureau, participé au mouvement Nuit Debout et vécu une brève carrière politique, Joseph Boussion a tout plaqué pour devenir berger. Il a lu Thoreau et Giono, croit au mythe du bon sauvage et fantasme un idyllique retour aux sources fait de méditation et de calme. C'est la violence et la brutalité qui l'attendent.
Dans ce récit intense et habité, il raconte son passage du confort et de l'agitation des villes à la solitude des estives où il découvre la réalité de son métier : les réveils matinaux dans des refuges spartiates ; les heures à étudier des pentes raides comme des murs sur lesquelles il devra bientôt mener ses brebis ; les journées éreintantes à traverser les montagnes, leurs flancs fouettés par le vent et la pluie, en guidant son troupeau ; les nuits sans sommeil occupées à repousser les loups fusil en main. Il dit la peur, les douleurs physiques et psychologiques, la brutalité des éléments qui, à chaque instant, lui rappelle sa vulnérabilité. Les réalités administratives et économiques d'une vie moins libre qu'on ne croit. Mais aussi l'affection particulière qui le lie à ses bêtes, l'amitié qu'il noue avec les hommes qui l'aident. La beauté magistrale des paysages des Alpes, la magie de ses sensations retrouvées et la conscience réveillée d'appartenir à plus grand que soi. Et la grande leçon de vérité, d'humilité et de sagesse qu'il a reçue et qu'il partage ici avec nous. -
Février 33 : l'hiver de la littérature
Uwe Wittstock
- Grasset
- Essais Etranger
- 18 Janvier 2023
- 9782246831709
Février 33, un livre d'histoire pas comme les autres, revient sur les événements qui se sont déroulés pendant le mois de février 1933 en Allemagne. Hitler a été nommé à la chancellerie le 30 janvier, et les jours qui suivent vont décider du destin de l'Allemagne et de l'Europe tout entière. Nous savons aujourd'hui de quelle manière ces quelques jours ont changé la face du monde, mais Uwe Wittstock a choisi de les évoquer en se plaçant à la hauteur des personnes qui les ont vécus dans l'ignorance de ce qui allait suivre. Jour après jour, dans une dramaturgie bien maîtrisée, l'auteur restitue l'ambiance de tout un pays, en racontant ces quelques semaines qui ont fait basculer la démocratie de Weimar dans le IIIème Reich.
Le prisme choisi est celui des écrivains, journalistes et intellectuels, et les protagonistes du livre de Wittstock s'appellent donc Thomas, Heinrich, Klaus et Erika Mann, Bertolt Brecht, Erich Maria Remarque, Alfred Dblin. Ou encore Carl Zuckmayer, Else Lasker-Schüler ou Gottfried Benn. Chacun des protagonistes est introduit avec concision, par un rappel de son rôle public et de sa situation personnelle. Et Wittstock nous raconte comment chacun d'entre eux, dès le 1er février, se demande s'il est sur une liste, en tant que juif, communiste, homosexuel ou intellectuel engagé. Car l'étau se resserre très vite, et ce même avant l'incendie du Reichstag pendant la nuit du 27 au 28 février qui sonnera le glas des dernières libertés individuelles : la SA intimide tous ceux qui ne rentrent pas dans le rang, empêche les manifestations culturelles ou les premières dans les théâtres du pays autant que les réunions politiques. L'Académie des arts devient un autre enjeu symbolique, car il faut faire partir le « gauchiste » Heinrich Mann. Son frère Thomas est en tournée en Europe, pour sa conférence sur Wagner, et décide de ne pas rentrer. Klaus et Erika, empêtrés dans des histoires d'amour impossibles mais portés par le succès de leur cabaret satirique à Munich, veulent d'abord lutter de l'intérieur. D'autres, comme le poète Gottfried Benn croient que le nouveau régime leur apportera enfin la reconnaissance tant désirée. Mais tous seront pris dans la violence du nouveau régime. Les lois d'exception et le résultat des élections du 5 mars mettent un terme à cette période de transition que Wittstock raconte comme un roman à rebondissements.
Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni