Bien des gens qui viennent voir un psychanalyste ou un rabbin ont d'abord l'idée qu'il va interpréter pour eux les mots et rendre explicite le non-explicite du langage, du signe ou des images qui les habitent. C'est la démarche très caricaturale de celui qui veut à tout prix que son psychanalyste interprète son rêve et lui traduise son sens sans ambiguïté. Celui-là attend de l'interprétation un éclaircissement, une sorte de sortie d'ambivalence de sens. Il veut que la vérité soit comme désobscurcie par l'autre qui détiendrait la vraie lecture et le sens authentique. Or une interprétation qui serait une théorie du signe perdrait toute sa puissance jusqu'à sa définition même, au lieu d'ouvrir le sens elle l'enfermerait dans une fidélité stérile. Tel est exactement le contraire de ce qu'exige toute interprétation. C'est ce que nous explique dans ce court texte Delphine Horvilleur, en confrontant les théories rabbiniques et psychanalytiques.
Quelles sont nos responsabilités face à l'injustice ? Les philosophes considèrent généralement que les citoyens d'un État globalement juste doivent obéir à la loi, même lorsqu'elle est injuste, quitte à employer exceptionnellement la désobéissance civile pour protester. Les militants quant à eux, qu'ils luttent pour les droits civiques, contre les violences faites aux femmes ou pour le climat, jugent souvent que l'obligation première est résister à l'injustice.En revisitant le concept d'obligation politique, Candice Delmas montre que le devoir de résister a les mêmes fondements que le devoir d'obéir à la loi. Des formes de désobéissance incivile, de l'aide clandestine aux migrants aux fuites de documents non autorisés en passant par l'écosabotage ou les cyberattaques, peuvent parfois être justifiées, voire moralement requises, même dans des sociétés démocratiques.C'est par ces moyens illicites et incivils que les Freedom Riders ont dénoncé la ségrégation aux Etats-Unis, que #BlackLivesMatter a révélé les violences policières ou #MeToo l'ampleur des phénomènes de harcèlement et des féminicides. L'incivilité interpelle, accuse, rend l'indifférence impossible et force à prendre parti.Alors, qu'est-il légitime de faire pour défendre une cause juste dans un État de droit qui en ignore les enjeux?
Rester jeune après 80 ans, sans ride, sans perte de mémoire ni de vitalité, sans trouble articulaire ni douleur. Ce fantasme abreuve une littérature abondante, depuis le mythe de la fontaine de jouvence jusqu'à Faust ou Peter Pan. Mais depuis quelques années, tout un pan de la médecine, soutenue par une industrie pharmaceutique puissante, oeuvre à lutter contre les maladies de l'âge pour repousser toujours plus loin les limites de la vie.
Que faut-il penser de ces produits et de nos tentatives pour conquérir l'immortalité?? Est-il scientifiquement possible de limiter les effets du vieillissement?? Jusqu'à quel point peut-on raisonnablement espérer « vieillir jeune et mourir en bonne santé »?? Telles sont les questions que soulève cette Petite philosophie des rides, révélant à la fois nos craintes et nos espoirs, reflets fidèles de notre rapport nouveau à la vieillesse et à la mort.
L'atelier de Jean-Jacques Rousseau se compose d'une succession de lieux symboles où, au cours d'une vie en mouvement, il a quelque temps posé sa table de travail : parmi eux son donjon à Montmorency, son laboratoire à Môtiers, cette chambre « qui ne ressemblait en aucune manière à celle d'un homme de lettres » rue Plâtrière à Paris... sans compter bois et bosquets des promenades qu'il fréquentait un carnet et un crayon en poche. Mais cet atelier est surtout l'immense espace de papier constitué par ses manuscrits de travail, des milliers de pages autographes aujourd'hui dispersées à travers le monde. Il nous permet de découvrir les chemins de l'invention d'un écrivain penseur critique des Lumières, de suivre brouillons à l'appui la naissance du Contrat social, de l'Émile ou de La Nouvelle Héloïse, et de regarder Rousseau annoter Platon, Montaigne ou Voltaire dans les marges des livres de sa bibliothèque.
Créé dès juillet 1940, à la demande du général de Gaulle, par le capitaine André Dewavrin (futur colonel Passy), le Service de renseignement a été l'un des piliers de la France libre et, à travers ses agents, le véritable lien entre les deux résistances, extérieure et intérieure.
Devenu en 1942 le Bureau central de renseignement et d'action (BCRA), cet organisme, au-delà de sa fonction première de renseignement, conçoit et met en place des opérations militaires visant à affaiblir l'ennemi tout en préparant la Résistance française aux combats de la Libération.
Le BCRA est l'organisation qui a compté dans ses rangs durant la guerre le plus grand nombre de compagnons de la Libération (plus de 170). Il est aussi l'ancêtre de l'actuelle Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dont les personnels militaires, depuis 2018, portent la fourragère vert et noir de l'ordre de la Libération.
Qui étaient ces agents secrets de la France libre ? De quelle façon étaient-ils recrutés et entraînés ? Quelles étaient leurs missions ? Quel était le quotidien dans la clandestinité de ces hommes et de ces femmes, tous volontaires, entourés de tous les dangers et dont presque trente-cinq pour cent n'ont pas survécu à la guerre ?
Le catalogue de l'exposition Les agents secrets du Général, réalisée en partenariat entre l'ordre de la Libération et la DGSE, s'efforce de répondre à ces questions, et de mettre en lumière ces hommes et ces femmes de l'ombre au destin hors du commun, à travers une iconographie, des objets et des documents exceptionnels.
Ainsi commence l'Entretien d'un philosophe avec Madame la Maréchale de ***, une jeune femme "belle et dévote comme un ange" qui demande au philosophe de justifier son athéisme.
Ce savoureux dialogue a le naturel d'une conversation familière ; il en épouse les méandres. Chaque interlocuteur peut interrompre l'autre au moment où l'on s'y attend le moins. Les répliques s'enchaînent de façon imprévisible sans la moindre contrainte extérieure. Diderot ne catéchise pas son interlocutrice. Il a pour elle un respect qui n'est jamais démenti. Comme il est dit dans l' "Avis au lecteur", "il serait à souhaiter que les matières importantes se traitassent toujours (.) dans le même esprit de tolérance".
On trouvera ici la première édition critique de ce dialogue, établie d'après la version originale diffusée dans la Correspondance littéraire en 1775 et accompagnée d'un ensemble de textes qui en éclairent le sens et la portée.
Qu'est-ce qui fait que nous sommes des êtres conscients ? La conscience est-elle une simple production du cerveau ? En convoquant les neurosciences, la psychologie cognitive et la philosophie, Alva Noë explique comment se constitue et s'organise notre conscience. Il montre comment notre cerveau et notre corps interagissent avec l'environnement qu'ils perçoivent. Ce faisant, il prouve que la conscience et la pensée ne sont pas générées simplement par notre cerveau: cet organe n'est qu'un élément parmi beaucoup d'autres qui rendent possible les accomplissements cognitifs. Alva Noë nous invite à sortir de nos têtes afin de mieux comprendre cette vie dans toute sa beauté et toute sa richesse.
Premier ouvrage philosophique de Jean-Paul Sartre, publié par Hermann dès 1938 et constamment réédité depuis lors. La dernière édition a paru en avril 2010.
Qu'est-ce qu'une émotion ? Pourquoi faut-il affirmer qu'elle a une signification et refuser les approches de la psychologie positive comme de la psychanalyse ? Publiée en 1938 aux éditions Hermann, L'Esquisse d'une théorie des émotions fait partie de ces premiers textes fulgurants de Sartre qui témoignent déjà de son génie philosophique et de sa capacité à saisir les enjeux de la psychologie : Sartre nous y montre la nécessité d'une approche phénoménologique, seule à même de nous faire comprendre l'essence de l'émotion. Face à l'essor actuel des neurosciences et des sciences cognitives, le texte n'a rien perdu de son actualité et montre à quel point il importe encore aujourd'hui de penser la psychologie.
Depuis l'avènement de la démocratie en France, peut-être en raison d'une faiblesse de représentativité des élus, la vie politique est marquée par la recherche récurrente d'hommes providentiels, capables de gouverner avec une légitimité supérieure à celle du Parlement. Cet imaginaire du Grand Homme, qui fait implicitement allusion aux fondements mystiques du pouvoir monarchique, a forgé l'esprit constitutif des institutions de la Ve République. Force est de constater pourtant qu'un tel dispositif a fini par aggraver la dépossession à laquelle il promettait de mettre un terme. Depuis plusieurs décennies, la crise de la représentation des couches majoritaires de la société se fait ressentir à nouveau, n'offrant pour alternative qu'un retour à un pouvoir autoritaire, de facture populiste, consacrant l'impuissance et la démagogie. Est-ce à dire que la France soit condamnée à vivre une polarisation de sa vie politique, oscillant sans cesse entre élitisme et populisme ? Cet essai propose les ressources conceptuelles permettant de sortir d'une telle impasse en détaillant les moyens d'une mise en pratique renouvelée, plus démocratique, de notre monarchie républicaine.
D'ordinaire, on s'efforce d'expliquer les fables de La Fontaine aux enfants. Ils n'en ont pas besoin : ils les comprennent d'intuition, même sans saisir parfois la moitié des mots. En grandissant, nous perdons cette fraîcheur de sympathie. Et il faut beaucoup de science et de patience aux adultes pour remonter la pente, pour que l'oeil se fasse à ce ciel nocturne brillant de tant d'étoiles qu'est le recueil des Fables choisies mises en vers.
Cet ouvrage voudrait jouer le rôle d'un télescope secourable pour faciliter cette observation, sans autre prétention que d'aider à lire La Fontaine, à le déchiffrer et à le goûter. Il scrute pas à pas les 22 fables du livre I, de La Cigale et la Fourmi au Chêne et le Roseau, pour en faire ressortir et en faire ressentir la profondeur secrète, les mystères enfouis, les connivences celées et la logique de l'assemblage, analogue à celle d'un jardin à la française. Une invitation à la promenade au jardin des Fables...
Traduction nouvelle, présentée et annotée par Pierre Louis. Première édition de ce texte capital du philosophe grec sous une forme accessible à un large public. Cette traduction, qui n'est jamais littérale, vise à être exacte et lisible ; elle se veut plus conforme à l'esprit qu'à la lettre et met en lumière une modernité parfois surprenante.
Ce livre fournit une analyse détaillée de la politique étrangère d'Israël et de l'histoire diplomatique du peuple juif. Il présente une histoire complète et exhaustive de la politique étrangère d'Israël, dans une perspective historique de longue durée, qui couvre tous les aspects de la politique étrangère d'Israël : vis-à-vis du monde arabe et du Proche Orient ; vis-à-vis des États-Unis, de l'Europe, de la Russie et de l'ex-espace soviétique, de l'Asie, de l'Afrique, de l'Amérique latine, de l'ONU, et de la diaspora juive. Il traite également de la diplomatie des royaumes d'Israël sous l'Antiquité et des diasporas juives au Moyen Âge et à l'époque moderne, ainsi que de la question des relations entre Israël et les nations dans le narratif biblique.
« Lucrèce, philosophe épicurien, est aussi un immense poète. Le paradoxe est que sa poésie semble prendre perpétuellement l'épicurisme à contre-pied, comme si le poète, chez lui, donnait tort au philosophe à moins que ce ne fût l'inverse. C'est ce que j'ai essayé d'exprimer (notamment en retraduisant les plus beaux passages de son chef-d'oeuvre) et de comprendre. De la philosophie d'Epicure, la plus lumineuse, la plus douce, la plus sereine, peut-être la plus heureuse de toute l'Antiquité, Lucrèce a tiré le poème le plus sombre, le plus âpre, le plus angoissé, le plus tragique. Cela nous dit quelque chose sur l'homme qu'il fut, certes, mais aussi sur l'épicurisme, sur la philosophie, et sur nous-mêmes. Si nous étions des sages, nous n'aurions pas besoin de poètes. Mais aurions-nous besoin de philosophes ? »
J'écris ce livre parce que j'ai peur. J'ai peur pour mes petits-enfants et pour le temps qui sera le leur. Et qui a déjà commencé. J'écris ce livre pour briser le silence. Celui qui règne sur la montée de l'islamisme, sur ses ravages parmi les jeunes et sur les dégâts qu'elle provoque dans notre école publique. Jusqu'à présent le silence a été la religion de l'école et le célèbre " Surtout pas de vagues ! " le credo de ses administrateurs, pour l'islamisme comme pour d'autres sujets tragiques : la pédophilie hier ou le cyber-harcèlement de nos jours.
J'écris ce livre parce que je suis attaché à la laïcité, parce que je sais que ce principe républicain nous protège et protège nos libertés, celle de croire ou de ne pas croire, celle de changer de convictions, celle de critiquer les religions comme l'absence de religion, celle de confier nos enfants à l'école publique sans crainte qu'ils y soient endoctrinés, celle pour les croyants de pratiquer leur culte sous la protection d'un Etat neutre et fort.
J'écris ce livre parce que le temps presse et qu'il y a maintenant urgence. Urgence à ouvrir les yeux, à voir le monde tel qu'il est et à tenter de comprendre ce qui s'y passe. Et, surtout, urgence à agir.
Kessel a marqué son siècle, il reste ce « témoin parmi les hommes » à la renommée indéfectible, mais dont on connaît assez peu les pratiques d'écriture et où l'on confond parfois celles du journaliste et du romancier.
Nous allons le côtoyer ici en explorant le fonds Kessel qui conserve les traces de l'élaboration des oeuvres et révèle sa conception du « métier d'écrivain ». Nous déambulerons aux côtés du grand reporter griffonnant ses articles aux confins de la planète, du jeune romancier reclus dans une chambre d'hôtel ou de l'académicien installé au bureau de sa dernière demeure.
On découvrira les « réemplois » qui, d'une même veine ou d'une même aventure, font naître un reportage et un roman à succès, et d'autres « Kessel », dramaturge ou scénariste. L'examen du manuscrit de L'Armée des ombres, oeuvre de combat entre fiction et documentaire, viendra clore cette déambulation kesselienne.
Quelle est la quête symbolisée par le jeu d'échecs?? Quels liens pouvons-nous établir entre Beth Harmon de la récente série télévisée The Queen's Gambit et des personnages littéraires comme Loujine ou Monsieur B., de Nabokov ou Stefan Zweig ?
Les joueurs d'échecs sont-ils des fous de Dieu, des mystiques de l'absolu ? Veulent-ils s'affranchir des limites imparties à la condition humaine et s'élever à un niveau de calcul surhumain, comme s'ils étaient dotés de l'omniscience ?
Dans cet essai, l'auteur se propose de revisiter un certain nombre d'oeuvres littéraires et artistiques qui mettent en scène le jeu d'échecs. Il part de l'hypothèse chère à Borgès selon laquelle les échecs sont un petit théâtre reproduisant le drame cosmique, où l'être humain, même surdoué, se brûle les ailes dans son désir de perfection.
L'intime ne se réduit pas au privé : loin d'être un repli intérieur, il est le fruit d'une rencontre. Il n'y a pas d'intime sans altérité, donc sans exhibition ni sans pudeur. L'intime structure l'identité psychique dans son rapport à autrui, au point que Lacan a créé le mot extime pour faire résonner sa part d'étrangeté. Plus qu'une rencontre des corps, l'intime est une fabrique du langage, qui confère au sujet un certain équilibre et un goût pour le monde, facilitant sa socialisation.
Dès lors que se passe-t-il quand l'intime chute, quand on le brise, le viole, le force ou le fait taire ? Quels sont les effets d'une intimité brisée et trahie sur un sujet ? Comment ce dernier peut-il résister à une forme de mélancolie qui s'étend à toutes ses représentations, y compris politiques ?
Chacun d'entre nous le constate dans sa vie privée, professionnelle ou dans l'espace public, une tendance à la bureaucratisation de nos vies est en cours. Elle se matérialise par une inflation de règles et de normes contraignantes, de protocoles à respecter, de mesures et de procédures à suivre. Même dans nos démocraties occidentales, réputées respectueuses des libertés individuelles, les administrations ont subtilisé, au nom de l'intérêt général, le pouvoir aux responsables politiques. Désormais, pour chacun de nos faits et gestes, nous devons suivre un protocole ou obtenir un permis auprès d'une administration, qui nous impose ses convictions, son rythme, ses codes, ses manières de faire et de penser. Nos existences s'en trouvent compliquées, voire entravées. En vérité, la légitimité de ce pouvoir bureaucratique est questionnable : il n'émane d'aucun processus électoral démocratique.
Le présent essai se veut une dénonciation de cette menace majeure encouragée par la complicité de représentants politiques assimilés avec le temps aux bureaucrates. Si nous ne faisons rien, le risque est grand que la dérive bureaucratique ne mène à une bureaucrature, une dictature des bureaucrates. L'enjeu est accru par le développement des technologies numériques, qui facilitent la collecte d'informations confidentielles, donc le contrôle de nos vies. Quels remèdes peut-on concevoir ?
Quel discours se soucie encore de la vérité ? Pourquoi tenir cette exigence de vérité quand la parole est noyée dans des flux permanents d'informations et de duplications ? La littérature et la psychanalyse partagent un rapport singulier à la parole : celui du déploiement.
À l'inverse de l'information, la littérature et la psychanalyse continuent à croire en la révélation d'une parole étrangère à l'intérieur de soi. En reprenant la scène de la rencontre entre Diane et Actéon des Métamorphoses d'Ovide, Yannick Haenel offre au lecteur une réflexion sur l'amour et le langage comme exposition d'une solitude sans laquelle aucun discours vers l'autre ne serait possible.
Comment vivre et que faire de ma vie ? À travers ma vocation, ma vie trouve son sens dans une activité à laquelle je m'identifie. Et comme l'activité de mon choix répond à ma nature, elle m'exprime, m'accomplit et me définit. La promesse de l'individualisme démocratique est que chacun puisse réussir sa vie par son travail, qui lui fera gagner à la fois son identité et son pain. Pour devenir soi-même, pour se réaliser, chacun doit pouvoir s'épanouir dans ce qu'il fait.
L'artiste et le savant incarnent la figure romantique par excellence du travail voué. Pour certains, c'est le désir de savoir qui commande et organise leur existence. Mais l'exemple du travail créateur ou du travail intellectuel a un caractère d'exception. Qu'en est-il des goûts et des aptitudes en général ? Et qu'en est-il des tâches insignifiantes dans lesquelles on ne peut pas s'exprimer, et qui doivent pourtant être remplies ? Que devient aujourd'hui la grande figure idéale de la vocation ?
Ce livre invite à une réflexion qui n'a rien de technique et nous concerne.
La Bible hébraïque a-t-elle réellement inventé le monothéisme ? Si oui, elle l'a fait à travers un dieu indicible. Quand Moïse s'interroge sur son nom, le texte fournit une réponse énigmatique : « Je serai ». Que signifie le silence étourdissant de cette absence d'identité ?
Se peut-il que la question du divin n'ait pas constitué l'essentiel du message biblique et que Moïse soit d'abord le fondateur d'une éthique libératrice, l'humanisme ? Telle est la question centrale de cet essai.
« Les poètes et les romanciers sont de précieux alliés et leur témoignage doit être estimé très haut, car ils connaissent, entre terre et ciel, bien des choses que notre sagesse scolaire ne saurait encore rêver », écrivait Freud.
Les impressions analytiques que propose ici Laurie Laufer, à partir de différentes oeuvres, parlent des épreuves de la vie : le deuil, la mélancolie, la mort. Ces oeuvres ouvrent des traversées dans notre rapport à l'image et au corps. Elles peuvent nous soulever, nous offrir des formes d'émancipation. Si la cure analytique déplace le sujet, défait les certitudes, déconstruit les identités et les identifications, lire Mallarmé, Gary, Perec, Van Gogh, Chloé Delaume et Simone de Beauvoir permet aussi d'emprunter des chemins de traverse. Les oeuvres d'art et les livres sont ici des amis qui murmurent à l'oreille de la psychanalyse. Jean Genet avait bien compris que « l'avenir est à Freud ».
4 septembre 1942 : Lusia, une jeune femme désespérée, jette, telle une bouteille à la mer, une lettre par la fenêtre du train qui l'emporte vers Auschwitz. Ces quelques mots rédigés à la hâte sont adressés à son fils de deux ans - qu'elle a miraculeusement réussi à cacher chez un voisin juste avant d'être raflée. Quarante-trois ans plus tard, cette bouleversante lettre d'adieu, timbrée à l'effigie du maréchal Pétain, atteint enfin son destinataire, qui découvre l'écriture de sa mère inconnue...
Ce récit est celui d'une enquête : celle menée par Catherine Grynfogel pour reconstituer la vie de Lusia (1918-1942). Pendant près de dix ans, elle suivit ses traces et se rendit sur les lieux de sa brève existence, à la recherche d'indices qui auraient échappé aux destructions du temps et aux ruines de l'histoire. Ces pages font ainsi revivre la lumineuse personnalité de Lusia, dont la force de caractère lui permit de lutter jusqu'au bout pour sauver la vie de son enfant.
La pandémie de COVID-19 témoigne à vif comment, dans nos sociétés modernes, les liens sociaux ont été fragilisés en mettant à nu la vulnérabilité de tous, de chacun et chacune. Nous avons aussi découvert collectivement comment le care, entendu dans l'un de ses sens, celui du prendre soin, était au coeur de tous nos liens sociaux et qu'il tissait la trame de notre société. Tout à coup, certains travailleurs essentiels, qui étaient souvent des travailleuses essentielles, sont devenues visibles et, parfois, reconnues. De nombreuses personnes, en revanche, se sont retrouvées dans des situations d'extrême vulnérabilité. Certaines institutions essentielles se sont avérées fragiles ou dysfonctionnelles. Pour faire face à ces ébranlements sociaux profonds, les gouvernements occidentaux se sont souvent tournés vers un techno-solutionnisme numérique et ils ont fait usage d'une rhétorique guerrière se voulant mobilisatrice.
Cet ouvrage explore les facettes de ces vulnérabilités individuelle, collective et institutionnelle qui se sont manifestées pendant la pandémie. Il met en évidence comment le care, qui ne se limite pas à sa dimension de prendre soin, est à la fois ce qui nous a permis de tenir ensemble, mais aussi ce à quoi nous tenons. Les textes réunis interrogent à partir de la théorie du care différents enjeux cruciaux de la pandémie, en particulier, la crise de la responsabilité et de la démocratie, l'invisibilité du travail des femmes et des immigrants et immigrantes, la gestion des risques et les solutions numériques, le prendre soin face à la mort, la résilience collective.