Le poil a une histoire... Cet ouvrage, très documenté, la retrace en nous révélant l'infinie diversité des adaptations et des déclinaisons du poil à travers les époques, les civilisations et les continents. Car partout le poil a été - et n'a cessé d'être - un marqueur de comportement, un signe politique, un indice social, éthique et religieux, qu'il s'agisse du monde hébraïque, chrétien, islamique ou extrême oriental.
Se déploie ainsi au fil des pages le kaléidoscope des traces multiples d'une histoire aussi singulière que méconnue : de Sumer à Babylone ; dans la France de Louis XIV, quand le sexe mâle s'enticha de la perruque ; dans la Chine mandchoue, où tous les sujets chinois devaient porter la natte ; lors de la Première Guerre mondiale avec la glorification des Poilus ; sans oublier la Turquie contemporaine, où les positions politiques ont de fortes incidences sur la forme des moustaches...
Les marges de l'histoire ne sont pas omises, avec les eunuques byzantins ou les malheureux atteints d'hypertrichose - cette maladie qui se manifeste par une pilosité envahissante sur une partie du corps ou sa totalité - et présentés comme des monstres.
Ainsi, du poil biblique au poil freudien en passant par celui des Poilus, chacun trouvera « son poil » dans cette étude riche en surprises et inattendus et, l'esprit aiguisé par la curiosité, il pourra, au fil de sa lecture, s'en tisser d'autres.
La maîtrise du danger, jusqu'à la recherche vaine d'un « risque zéro », est devenue l'une des facettes de la modernité. Jadis, la mer a largement mais étrangement participé à l'appréhension du risque. Ce milieu a constitué pour les périodes anciennes une sorte d'immense réservoir où, aux sources de « la fortune », venait s'adjoindre un ensemble de constructions imaginaires, généralement monstrueuses, comme pour mieux souligner la malignité native du milieu océanique. À la violence des éléments à laquelle devaient faire face ceux qui prenaient la mer, s'ajoutait une inclination logique à le peupler de créatures horribles et diaboliques qui accroissaient l'éventail des aléas jusqu'à celui, ultime, d'être immergé définitivement dans les abysses de ce monde infernal.
De l'imaginaire de la peur aux réalités du risque en mer, les auteurs nous entraînent dans un récit peuplé de naufrages, d'animaux fabuleux, de piraterie, de flibuste, et de la peur de l'autre aussi.
Abolie en 1981, la peine de mort a été appliquée en France pendant des siècles, provoquant toujours réflexions et controverses. Partisans de la peine capitale ou de son abolition, philosophes, juristes et hommes d'État ont débattu, apportant des arguments religieux, moraux, philosophique, politiques voire, très prosaïquement, pratiques.
Cet ouvrage présente, sur plus d'un millénaire, les grands textes, classiques ou inédits, qui abordent la peine de mort. Il reprend les âpres discussions qui se sont tenues depuis la Révolution, donnant la voix aux hommes et aux femmes qui y ont pris part, souvent avec passion. Chaque texte, présenté par un grand historien de la justice, est un morceau de bravoure et une source de réflexion sur l'une des grandes inflexions de notre histoire.
Les figures des religieuses de Port-Royal nous sont aujourd'hui familières : une abbesse agenouillée en prière au chevet d'une religieuse, l'image naïve d'une procession muette ou la nonne se dressant impérieuse devant un archevêque désemparé et bouffon sur la scène de la Comédie Française...
Généralement présentée comme un épisode marquant de l'histoire du jansénisme et souvent confondu avec lui, l'histoire de Port-Royal fascine et interroge encore aujourd'hui. La réalité est plus complexe : le XVIIIe siècle, en écrivant après Jean Racine une histoire militante du monastère, a bâti un grand mythe dont nous sommes aujourd'hui toujours tributaires ; les travaux littéraires autour de Blaise Pascal, par leur importance et leur qualité, ont contribué à mettre l'accent sur le rôle de Port-Royal dans l'assimilation de la pensée cartésienne à l'aube du siècle des Lumières.
Du récit mythique de la « Journée du Guichet » en 1609 à la légende noire de la destruction de l'abbaye des Champs un siècle plus tard, il faut franchir la clôture pour comprendre la vie quotidienne et héroïque d'une communauté de femmes qui résista jusqu'au bout au pouvoir politique.
Née en 1766, l'agrégation en est venue à incarner un des volets de l'« exception française ». Au départ simple remplaçant, l'agrégé est devenu ensuite le seul professeur titulaire des lycées et le candidat préférentiel à un poste en faculté. Après l'âge d'or de l'entre-deuxguerres, il s'est retrouvé critiqué aussi bien dans le second degré que dans l'enseignement supérieur. L'impératif de l'harmonisation européenne des diplômes a compliqué encore la donne.
L'agrégé est-il professeur d'élite ou bien professeur pour les élites, lauréat d'un des plus prestigieux « concours républicains » ou bien « privilégié » bénéficiant d'horaires amoindris ? Et où doit-il enseigner ? Dans le second degré, comme le suggère « l'agrégation des lycées » ? Dans l'enseignement supérieur, comme le croirait volontiers le béotien se fiant à l'appellation d'« agrégé de l'Université » ? Pourquoi des professeurs d'université mentionnentils leur qualité d'agrégé sur les ouvrages qu'ils publient ? Pourquoi les « soixante-huitards » ont-ils voulu supprimer l'agrégation ? À quoi sert la Société des Agrégés ?
Autant de questions qui suggèrent que l'agrégation et les agrégés sont l'enjeu de controverses passionnées.
Depuis 1981, la peine de mort est abolie en France ; la dernière exécution a eu lieu en 1977. En outre, depuis 1939, les exécutions n'étaient plus publiques et se déroulaient dans l'enceinte des prisons devant quelques témoins. Il nous est donc difficile d'imaginer aujourd'hui ce que ces exécutions ont été. Au mieux, l'image que l'on en a renvoie aux exécutions parisiennes du début du XXe siècle et de leur rituel bien rodé, que les journaux rappellent inlassablement : le réveil, la toilette, le verre de rhum, les quelques pas dans la lumière de l'aube.
L'objectif de ce livre est d'abord d'effacer cette distance ; de replacer l'exécution à hauteur d'homme, dans le flot tumultueux du temps vécu, des sensations du corps ; de donner à sentir sa violence, de lui restituer, en somme, sa dimension sensible. Ce livre est en second lieu une tentative pour replacer le condamné au centre du récit et lui restituer une place d'acteur à part entière dans le déroulement de son châtiment. Il s'agit enfin de comprendre comment les dispositifs qui ont rendu l'exécution possible pour des hommes ordinaires a fonctionné, puis évolué. Peut-être faut-il penser que c'est le caractère insupportable de la mise en oeuvre de l'exécution, autant que son spectacle, qui a conduit à la réformer, puis à l'abolir.
Le numéro 44 de la revue Clio, Femmes, Genre, Histoire propose un parcours de longue durée à travers l'histoire des juifs, de la judéité et du judaïsme. C'est, en effet, ce triptyque, ainsi que la vie en diaspora, qui rend l'analyse du genre dans la tradition juive si spécifique. Et c'est au regard de cette complexité et de la diversité des situations historiques dans lesquelles les juifs ont vécu que nous avons choisi de mettre un «s» à Judaïsme.
Dans une religion qui est tout à la fois fondée sur un savoir livresque dont l'approfondissement est hautement valorisé et sur une observance rituelle exigeante, les femmes et les hommes sont assignés à une place bien établie. Non seulement les Écritures et leurs interprétations, les gestes quotidiens et les rituels festifs, mais encore les coutumes et le droit rabbinique se conjuguent pour proposer des conceptions, des représentations et des règles juridiques qui organisent les relations entre les sexes.
Il appartient particulièrement aux historien-ne-s de se défier des traditions présentées comme « immémoriales ». Au sein d'une histoire aussi ancienne que le judaïsme, il n'est évidemment pas toujours possible de dater avec précision les débuts d'une pratique, d'une prescription ou d'une représentation, ni de trouver des explications aux changements observés. Néanmoins, les articles historiques de cette livraison de Clio FGH témoignent de l'enjeu de connaissances que revêt la déconstruction du caractère intemporel d'un arrangement des sexes inscrit dans les textes et la longueur des temps.
C'est dans la rencontre entre le mouvement féministe et le mouvement religieux libéral, tous deux ouverts à la modernité, que sont nées les principales revendications des femmes pratiquantes quant à l'accès aux textes sacrés, à l'étude, à des lieux de prière mixtes, à des cérémonies auparavant réservées aux hommes. Dès le début du XIXe siècle en Allemagne, sont célébrées les premières Bat Mitzvah (version féminine de la Bar Mitzvah) qui seront peu à peu généralisées dans le mouvement libéral. En 1922, la conférence centrale des rabbins libéraux des États-Unis admettait que les femmes pouvaient devenir rabbins mais il fallut attendre encore cinquante ans pour que le fait se concrétise. L'aspiration à participer à tous les aspects de la pratique religieuse s'est ainsi intensifiée au cours du XXe siècle. Elle est aujourd'hui le sujet de maints débats dans les communautés juives du monde entier avec des décalages nationaux importants.
Leora Auslander est une historienne américaine, surtout connue pour avoir été professeur d'histoire sociale européenne et professeur en civilisation occidentale à l'Université de Chicago à Chicago, Illinois.
Sylvie Steinberg est une universitaire et une historienne contemporaine. Directrice d'étude à l'EHESS depuis 2014, elle est spécialiste de l'histoire des femmes et du genre.