Du sommet aux piémonts de l'Etoile qui dominent le nord de Marseille, les attitudes de la limite, vécues avant nous dans les Déserts de Palestine ou d'Egypte, se transmettent et nous enseignent. Quel goût laissent-elles dans nos contraintes et rêveries urbaines actuelles ? Le troisième récit d'hospitalité se laisse embarquer dans les lointains marseillais et continue d'interroger les modèles importés qui fondent la ville d'aujourd'hui.
Parce qu'ici s'achève le cycle des Récits d'hospitalité, histoire de Marseille vue du nord. Reste à raconter les douze marches mensuelles incorporées à l'année Capitale européenne de la culture Marseille-Provence 2013, passage secret trouvé pour remonter au présent, pour transmettre l'hospitalité reçue et les savoirs accumulés. Faire un livre comme on marche dans un quartier, voici l'enjeu de ce dernier. Parce que vous avez parfois été choqués de m'entendre dire «petits fronts de guerre sociale» pour condenser l'injustice que traversent ainsi marches et hospitalité. Parce qu'un jour de 1940, dans la tradition des opprimés, le philosophe Walter Benjamin est revenu sur la rue de Lyon pour taguer : «Il n'est aucun document de culture qui ne soit aussi document de barbarie». Ce jour-là, tous les réservoirs de documents, tous les musées, sont d'un coup devenus muets.
Le sixième point de vue des Récits est tout entier absorbé dans le désastre, la violence d'une disparition : celle du travail. Comme dans les numéros précédents, la recherche des traces de ce grand pan du contrat social fait se rencontrer des récits issus d'alternatives collectives.
Depuis le n° 1, nous voyons se dessiner, dans la perte, des formes de «marseilles» : cette fois, c'est un oratoire médiéval qui disparaît. Cette petite construction, qui cristallise le temps et l'espace d'une communauté, n'apparaît que dans les textes : a-t-elle seulement existé ? Pourquoi faire construire de telles architectures ? Que se passe-t-il dans l'épaisseur de sept cents ans d'écrits? Peu de sources sûres pourront nous répondre ; en revanche, beaucoup d'hypothèses plausibles surgissent dans le rapport créé entre l'oratoire, signe du sacré, et le territoire du diocèse, étendue politique. Dans ce quatrième opus, l'écriture nous rencontre et nous balançons sans cesse entre la vérité, la fiction (et la vérité de la fiction !) et le mensonge suivi de son cortège de violences.