En 1728, le capitaine Charles Johnson publie à Londres un récit atypique. Des équipages pirates, menés par Misson, Caraccioli et Tew, auraient fondé à Madagascar une République du nom de Libertalia. Abolitionniste, égalitaire et pacifique, son modèle prend le contrepied des monarchies dominantes et s'oppose à l'économie de plantation. Surtout, elle aurait, quelques années durant, posé les jalons d'une société multiculturelle inédite.
Mais si les mondes pirates européens et les sociétés littorales malgaches ont bien été en relation dans les années 1680 à 1730, aucune trace ne subsiste de cet événement. De plus, les études littéraires anglo-saxonnes attribuent le texte au romancier Daniel Defoe, célèbre auteur de Robinson Crusoé (1719) et faussaire notable.
À partir d'archives, de récits de voyage et d'observations de terrain, cet ouvrage reconstitue, pour la première fois, une généalogie critique du mythe et de sa réinterprétation, des empires coloniaux aux mouvements libertaires.
À Lyon, à la fin du XIXe siècle, un dispositif institutionnel destiné à faire connaître les colonies est créé ; il suscite la constitution des premières collections africaines. Durant un siècle, les musées, missionnaires ou non, vont utiliser les objets pour nourrir leur propagande et affirmer leur rôle dans l'expansion de la France d'outre-mer. Les objets africains servent selon le cas de témoins du développement humain (salle d'anthropologie), d'indicateurs du savoir technique des populations (musées coloniaux), d'illustrations du paganisme (musées missionnaires) ou d'objets à valeur spéculative. Les expositions et les musées témoignent de cette histoire. S'ils ont contribué à ancrer stéréotypes et clichés, ils révèlent aussi l'évolution des regards au gré des intérêts ou des expériences.
Quels liens la ville de Lyon a-t-elle entretenu avec le continent africain de la fin du XIXe siècle aux années 1960 ? Images d'un temps passé aux parfums exotiques de cet outre-mer lointain, l'histoire des collections africaines nous interroge à la fois sur notre rapport à l'objet et sur un héritage dont il ne reste aujourd'hui que peu de traces visibles, mais qui s'inscrit néanmoins dans le débat sur la question de la restitution du patrimoine culturel africain.
L'âge du bronze engendra des innovations révolutionnaires. Parmi elles, les tambours de bronze, plus solides et plus sonores que leurs prédécesseurs en bois et en peaux, furent gravés de décorations assurant à leurs possesseurs un prestige jusque dans leurs tombes, voire audelà.
Ces gravures, sur le sommet (dit tympan) ou sur la base cylindrique des tambours, restent sujettes à interprétations mais leur beauté est toujours indiscutable. L'odyssée des tambours de bronze a duré deux mille cinq cents ans, jusqu'à nos jours, et leurs rites ont concerné des territoires immenses, de la Chine et du Vietnam actuels aux îles de l'Indonésie, incluant toute l'Indochine. Jacques de Guerny la relate de manière inédite, en des termes clairs pour tous et photos à l'appui, après avoir visité chacun des pays concernés et rencontré les meilleurs spécialistes, au fil d'un périple de plusieurs années.
Sans nul doute, au-delà de l'enthousiasme communicatif de l'auteur, les tambours de bronze de l'Asie du Sud-Est font partie des trésors de l'humanité, comme l'attestent les plus grands musées du monde et le nombre croissant de collectionneurs. (
Des manuels de géographie aux planisphères de l'Ecole de la République, l'Indochine coloniale affiche sur des aplats rassurants une autorité dont les contours clairement définis s'appliquent de manière uniforme sur l'ensemble du territoire. En réalité l'affirmation de la France sur les confins du Tonkin à partir des années 1880 fut le fruit d'une entreprise diplomatico-militaire délicate et de longue haleine dans un environnement troublé. Depuis la moitié du XIXe siècle, la région frontalière bordant le Céleste empire échappe à l'autorité nominale de la cour de Hu? qui s'appuyait traditionnellement sur les gardiens traditionnels des marches issus des grands lignages autochtones pour garantir une stabilité mise à mal sous la pression des bandes chinoises. L'autorité des empereurs Nguy?n s'efface au profit de l'ordre colonial, nouveau garant de la paix et de la stabilité sur la frontière sino-vietnamienne.
Epaulés par leurs partisans, les officiers français, basés dans un chapelet de postes, luttent en collaboration avec leurs homologues situés du côté chinois contre toutes les formes de crimes se jouant de la frontière. C'est cette histoire du maintien de l'ordre sur les confins de l'Empire par les autorités coloniales qui est l'objet de ce livre. Fruit d'une thèse de doctorat, il vise à restituer l'architecture destinée à préserver l'ordre public sur la frontière sino-vietnamienne, cerner le dynamisme des illégalismes transfrontaliers, du banditisme aux trafics en passant par les rébellions, et étudier la manière dont les pouvoirs publics tentent d'apporter une réponse à cette criminalité bordant la région frontalière.
Qu'est-ce qu'un rébus ? Qu'est-ce qui le différencie de jeux de mots ou d'images comme l'énigme, le calembour, l'emblème, le pictogramme ? Dans quelles cultures, et depuis quand existe-t-il ? Ce livre tente de répondre à ces questions, en faisant dialoguer, pour la première fois, des spécialistes de disciplines très différentes : égyptologie, sinologie, littérature, histoire de l'art, héraldique, musicologie...
Les études réunies ici éclairent aussi bien ce que les historiens de l'écriture ont nommé le « principe rébus », à l'oeuvre dans les écritures mésopotamienne, égyptienne, chinoise ou maya, que les images à déchiffrer présentes depuis des millénaires sur les supports les plus disparates : peintures égyptiennes, monnaies grecques et romaines, partitions musicales, estampes japonaises, catéchismes des Andes, rêveries surréalistes, presse populaire.
Plongée dans des univers visuels fascinants, et dans un monde souvent plein d'humour.
Claire-Akiko-Brisset, Florence Dumora et Marianne Simon-Oikowa (dir.).
L'image d'une population vietnamienne rurale sédentaire a longtemps prévalu. Pourtant, des migrants vietnamiens se sont déplacés en grand nombre, spontanément, ou « organisés » par l'administration française et par la bureaucratie mandarinale, principalement du Nord vers le Sud, mais aussi vers d'autres territoires de l'empire colonial et vers la métropole. Des immigrés ont aussi été recrutés en Chine, à Java, au Japon pour aller travailler en Indochine.
Ces migrations offrent un aperçu économique, social et politique des empires français, vietnamien, chinois dont le Vietnam était une composante particulière. Qu'apprend-on, à partir des migrations qu'ils ont organisées, sur la manière dont ces empires se sont construits, se sont gouvernés, ont interagi ? Quel éclairage nouveau l'étude des travailleurs vietnamiens employés en Nouvelle-Calédonie projette-t-il sur la construction d'un espace impérial français dans l'Asie-Pacifique ?
Dans un monde bouleversé, où il a perdu tous ses repères traditionnels, un individu peut se sentir « dans la main de Dieu », comme l'affirmeront, parmi d'autres, bien des protagonistes de la guerre de Trente ans. Mais le miracle peut aussi être collectif lorsqu'une statue « sauve » une cité de l'invasion, que le Ciel épargne une localité face à la cruauté d'un envahisseur.
Mais pourquoi le miracle a-t-il lieu ? Qu'en reste-t-il dans la longue durée ? Comment la perception de ces miracles évolue-t-elle face à la montée de l'esprit philosophique et de la rationalité ?
Voilà quelques-unes des nombreuses questions auxquelles cet ouvrage tente de répondre. Les auteurs y examinent les interventions du surnaturel dans le cadre de guerres, c'est-à-dire l'opposition entre la réalité à laquelle sont confrontés les hommes et des forces qui les dépassent. Des forces susceptibles d'influencer, de modifier le cours des choses en faveur d'une des parties.
Dans la culture yucatèque, l'os est vivant, soutient la chair, la nourrit, lui donne la vie ; c'est un os fertile. Le terme Bak, qui signifie entre autres « os » et « verser de l'eau » peut donc se traduire par « os fertile » et a donné son nom à la Mère cosmique, Ix Bak. Une maîtresse mort non pas terrifiante comme peut l'être la camarde occidentale mais aussi promesse de renouveau et d'avenir.
Les Mayas de l'époque préhispanique - et quelques-uns encore de leurs contemporains - savent que philosopher, c'est apprendre à mourir. Pour eux, les morts ne sont pas morts, la mort n'est pas la mort. Mais avec la conquête espagnole, ils sont précipités brutalement dans un monde où la mort a été inventée. C'est ce choc entre ces deux « morts », c'est-à-dire deux conceptions très différentes de la mort, qui est raconté dans ce livre.
Fruit de quarante ans de vivre ensemble de l'auteur avec ses amis yucatèques, cette étude croise trois approches : la description et l'analyse du traitement des morts - le nettoyage et l'exposition des os du défunt - dans la région Ouest de la Péninsule yucatèque, point de départ de son analyse ; une tentative, à travers l'étude de quelques concepts yucatèques, de cerner la philosophie yucatèque de la mort ; enfin, une étude de la mythologie de la mort, à partir d'un corpus extensif de récits, de vécus et de pratiques mythiques.