La prédication demeure un moment essentiel du culte protestant dans un but premier d'édification du croyant. Dans la France des XVIIIe et XIXe siècles, les pasteurs parlent à leurs fidèles que ce soit dans la clandestinité du Désert, durant la période mouvementée que représente la Révolution française, ou avec une liberté religieuse institutionnalisée par l'Empire napoléonien et maintenue par les Bourbons. Cependant, les orateurs protestants, du haut d'une chaire improvisée dans des lieux isolés ou, bien en vue dans un temple, s'éloignent parfois de sujets purement théologiques et, à la faveur de certains événements majeurs ou dans des circonstances nationales fortes, leurs sermons prennent une tonalité politique évidente.
Cet ouvrage propose donc de découvrir seize prédications, en contextes religieux et politiques variés, qui apparaissent dès lors comme autant de jalons d'analyse des origines et fondements des rapports théorisés entre Dieu, César - c'est-à-dire le pouvoir temporel, du roi à la nation toute entière - et les huguenots suivant la péricope souvent mobilisée par les ministres : « Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Les prédicateurs de l'Ancien Régime à l'avènement de la Seconde République se défendent de faire de la politique en chaire. Cependant, ils participent par leurs sermons à une républicanisation du croyant qui reste aussi un sujet ou un citoyen, processus entendu comme volonté d'expliquer à l'auditoire le juste comportement civil ou politique, dans une sphère publique en plein changement.
Le seul équivalent du mot paideia que l'on peut proposer est « culture grecque », cette culture dont la transmission demeura à l'ordre du jour tout au long des vingt-cinq derniers siècles. Dans l'Antiquité, aussi bien qu'à la Renaissance, les lettrés demandaient aux potentats d'être les gardiens de la paideia et cela dans tous les sens du mot : fonder des bibliothèques et des universités où l'on enseignerait le grec et les autres langues anciennes et cultiver les disciplines dont le canon avait été établi par les Grecs. La démocratie fut une invention grecque. Aussi, chaque fois que la démocratie dépérit, le désir de la paideia se renforça. Quand l'avenir faisait peur, on pensait à la paideia comme à une bouée de sauvetage. Le parcours de la paideia est ponctué de rencontres de traditions qui, fondues en une seule, s'appellera l'Europe : la rencontre des Grecs avec la Bible ; la rencontre des Juifs hellénisés avec la Septante ; la rencontre de la paideia et des Pères de l'Église ; la rencontre de la paideia avec les Latins que l'on appelle la Renaissance.
Dans les relations franco-polonaises, on peut distinguer, plusieurs épisodes. Le premier fut bref : le 9 mai 1573, Henri de Valois était élu roi de Pologne par une noblesse qui cherchait à éviter de passer sous la suzeraineté des Habsbourg. La cohabitation entre cette noblesse attachée à ses libertés et un roi peu concerné par les réalités du pays ne pouvait qu'être éphémère. Henri quitta le pays, dans la nuit du 18 au 19 juin 1574, interrompant pour de longues années les relations bilatérales. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, une série de mariages royaux marquèrent les relations ; ils entraînèrent des voyages : diplomates, courtisans, soldats, domestiques, cuisiniers, laquais, artistes prirent la route de Varsovie puis, en sens inverse, un demi-siècle plus tard celle de Paris et celle de la Cour du roi Stanislas en Lorraine. Après la disparition de la Pologne, Paris devint le centre de l'émigration polonaise. Les liens se renforcèrent quand le Grand Duché de Varsovie fut capable de créer une armée apportant son puissant concours à l'empereur. En 1831, la défaite de l'insurrection de Varsovie provoqua à nouveau l'arrivée en France d'émigrés polonais.
Une série de problèmes se pose : quelle est l'importance du flux et de qui se composait-il ? Quels furent les effets de ces rencontres? Assiste-t-on à l'émergence d'une véritable culture cosmopolite ? Enfin, quel en fut l'héritage ? Pour en traiter, J. Dumanowski, M. Figeac et D. Tollet ont réuni les 25 contributions constituant les actes du colloque, organisé, en octobre 2014 à Wilanów, autour de l'Histoire de ces échanges.
Textes réunis par Jaroslaw Dumanowski, Michel Figeac et Daniel Tollet.
Le sujet du rapport entre les femmes et la Bible croise deux questions historiographiques majeures, d'un intérêt vivant pour notre monde contemporain, à savoir le discours concernant les femmes et la référence au texte et à l'autorité de la Bible. Les femmes de la première modernité se confrontèrent au texte biblique en le lisant, le copiant, le réécrivant et l'interprétant. Ces pratiques d'appropriation se trouvèrent ainsi au coeur de débats socio-culturels parmi les plus marquants de la Renaissance, notamment la dignité de la femme et l'accès à la Bible pour tous. Dans une période non restreinte au cadre délimité par la Réforme et la Contre-Réforme, les études réunies ici concernent l'Italie, la France et l'Angleterre, trois aires distinctes mais travaillées de transferts culturels définissant un espace commun de circulation. Il s'agit d'études générales, riches d'indications sociologiques, aussi bien que d'études spécifiques, centrées sur une figure à la fois singulière et représentative, voire influente. Entre tendances communes et situations propres, elles invitent à progresser dans la voie de rapprochements géographiques et temporels qui permettent d'affiner la compréhension de réalités et d'évolutions historiques complexes.
Sous la direction d'Élise Boillet et Maria Teresa Ricci.
Sous la direction de Ghislaine Fournès et Frédéric Prot.
Cet ouvrage portant sur l'Espagne médiévale et moderne interroge la notion d'idée reçue sur laquelle pèse un discrédit, et questionne les stéréotypes, sorte de figures figées de l'altérité. Diverses modalités d'expression des idées reçues sont ainsi mises à jour, ce qui permet aux auteurs d'analyser leur statut et leur fonction dans la littérature, dans les arts et les sciences. L'idée reçue, au-delà de sa valeur d'opinion assimilée, héritée et donc « pré-jugée » par la force de la convention, de la tradition ou de l'autorité, conditionne le consensus culturel et social et la représentation cohésive du groupe, tant elle infiltre le langage et même le savoir ; défaire les vérités admises réclame le courage de heurter les fausses autorités et un principe de consentement général. Si pour le Moyen Âge il s'agit de faire du neuf avec du vieux tout en respectant, ou en contournant par des stratégies adaptées, des schémas de pensée et des procédés d'écriture communs, pour l'époque classique, au contraire, l'idée reçue est souvent débattue - en fonction des circonstances culturelles, philosophiques et politiques -, voire renversée, favorisant ainsi l'apparition de nouveaux modes de pensée.
La culture matérielle de l'école, en tant que témoignage et marque du rapport de l'homme à l'objet, constitue pour l'historien un matériau permettant de mieux appréhender le passé. Dans le milieu de l'éducation, elle est à la fois un moyen d'apprentissage et une composante de l'acte pédagogique et devient la trace nécessaire à sa compréhension et à sa contextualisation. Ce livre vise à souligner les similitudes mais aussi les particularités apparaissant, à travers les objets éducatifs, dans les différents États européens, et ce, sur la longue durée, du XVIe à nos jours. La culture matérielle est donc à la fois « un fait » régional, national et européen, administratif et politique, économique et culturel, et elle appartient en cela, à l'instar du patrimoine et de la mémoire, à la fois au passé et au présent.
Ce volume pluridisciplinaire étudie des textes de nature diverse (juridiques, liturgiques, bibliques, hagiographiques, historiques, dévots, littéraires, privés) dans leurs rapports avec les pratiques religieuses du monde urbain de l'Europe moderne. Leur production et leur usage révèlent une étroite connexion et une intense circulation au sein des villes entre publics, pratiques et espaces. Comme support, mise en oeuvre ou miroir des pratiques, ils éclairent les relations entre les dimensions privée et publique, individuelle et collective, orale et écrite, spontanée et rituelle, théorique et pratique de la vie religieuse, ainsi que ses dynamiques socioculturelles, économiques et politiques. Du XVe au XVIIIe siècle, la négociation de nouveaux rapports entre fidèles et clergés autant que les conflits confessionnels ont donné une importance inédite au vécu des croyants et favorisé l'émergence de la conception moderne du for intérieur. Ce volume ouvre de nouvelles pistes de recherche vers un comparatisme confessionnel tenant compte de réalités plurielles et complexes.
Volume édité par Élise Boillet (CNRS - CESRUMR 7323, Université de Tours) et Gaël Rideau (Université d'Orléans, POLEN), avec les contributions de Élise Boillet, Didier Boisson, Giorgio Caravale, Monique Cottret, Laurent Curelly, Philippe Desmette, Audrey Duru, Javier Espejo Surós, Ótto Gecser, Pierre Antoine Fabre, Philippe Martin, Gaël Rideau, Véronique Sarrazin, Stefano Simiz, Julien Véronèse.
Depuis saint Thomas d'Aquin le péché philosophique était connu comme étant une offense à la raison et se distinguait du péché théologique qui offense Dieu. En 1686, une thèse soutenue à Dijon par un jésuite reprend la distinction et considère que ce péché philosophique concerne ceux qui ignorent Dieu ou ne pensent pas actuellement à lui et, de ce fait, ne commettent pas de péché mortel et sont exemptés de peine éternelle. Cette précision aussitôt vigoureusement réfutée par le grand théologien janséniste Antoine Arnauld est condamnée par Rome en 1690.
Intervenant dans le cadre plus vaste de la querelle de la grâce opposant, à l'intérieur du catholicisme, jansénistes « rigoristes » et jésuites « laxistes » et à un moment consécutif à de grands bouleversements, tant de l'histoire de l'Église avec la rupture de la Réforme, que de celle du monde avec les grandes découvertes qui ont pesé sur nos mentalités occidentales, cette brève querelle théologique rapidement tombée dans l'oubli et en soi aujourd'hui bien éloignée de nos modes de pensée n'en constitue pas moins un épisode révélateur d'une fracture majeure par où la philosophie a pu conquérir son autonomie.
Nouvelles Humanités. Chine et Occident propose des approches renouvelées de la littérature et de la culture chinoises, des vues croisées sur la Chine et l'Occident, et des essais en sciences humaines et sociales qui offrent, par leurs sujets, les mêmes jeux d'intersection, dans des perspectives interdisciplinaires.
Si Prosper Mérimée est le célèbre auteur de Carmen, de Colomba et de la Vénus d'Ille, il fut aussi inspecteur général des Monuments historiques de 1834 à 1859 et peut être regardé comme le vrai fondateur de ce service. Il dut parcourir la France pour convaincre les villes et les départements de conserver et sauver les monuments de notre pays, ceux qui figuraient dans les ouvrages d'Alexandre de Laborde et du baron Taylor, et qu'entreprenait de décrire, dans les mêmes années, la Société française d'archéologie. Ce volume réunit l'ensemble des rapports et des lettres de sa main, ainsi que ses notes de tournée, adressés aux ministres, à la Commission des Monuments historiques et à ses présidents, mais aussi aux préfets et aux maires. La pertinence de ses jugements, sa verve, son style toujours vif, pittoresque, parfois acéré dans sa brièveté, dessinent l'autre face de ce Janus, écrivain et archéologue. En cela, cette publication ne sert pas seulement notre histoire « monumentale », elle éclaire le tempérament et le caractère d'un écrivain, qui se situe en marge du romantisme de son siècle.
Du XIIe siècle au seuil des Lumières, le discours mystique s'offre comme un carrefour dont l'intelligibilité se déploie autour de quatre pôles pour former ce que P. Gire nomme un carré mystique. Après le langage (2019), le sujet (2019), et avant la révélation (à paraître), ce volume s'attache au pôle de l'institution religieuse, qui se caractérise à la fois par sa force de transmission et par sa capacité de contrainte. Cette dualité interne explique la relation paradoxale qui unit les mystiques à la religion instituée, entre contestation et subordination. La réflexion collective menée ici entend reconsidérer ce rapport propre à n'offrir d'autre voie pour le sujet que la dissidence ou sa neutralisation par le corps ecclésial. L'institution est aussi le lieu où se fonde la mystique, où elle se réinvente.
De la fin du XVe au début du XVIIe siècle, les textes démonologiques, écrits par des hommes de loi, juges, médecins, théologiens..., élaborent la définition de la sorcellerie démoniaque, objet imaginaire, émergeant du discours lui-même. Hérésie « aggravée », crime de lèse-majesté divine et humaine, elle trouve son symbole suprême dans le sabbat, rituel où se pratique la transgression de toutes les valeurs. Dans un mortel va-et-vient, ces textes fournissent le mode d'emploi pour de très nombreux procès en même temps qu'ils s'en font l'écho.
Dans ces textes de référence, dont les auteurs tentent le déchiffrement des signes d'un monde qui leur est devenu obscur, se croisent et se confrontent divers éléments culturels, les discours des savoirs, philosophiques, théologiques, juridiques, médicaux... des différentes époques qui virent leur apparition. S'y constituent peu à peu une modalité d'écriture spécifique, un véritable « genre » discursif, voire une « poétique », avec ses structures (compilations, redistributions, analyses critiques) et ses stratégies. On y relève une évolution des postures d'énonciation - d'une parole presque anonyme à l'affirmation d'un moi envahissant - et une redéfinition des destinataires, des stricts spécialistes (prêtres, juges) au grand public, qu'il s'agira à la fois de persuader et de séduire, en lui offrant le spectacle de l'effraction d'un secret supposé, voire une émotion proprement esthétique.
Suivi d'une édition critique du "Livre de Ruth" (1871) et de documents inédits.
L'abbé Tardif de Moidrey (Metz, 1828-Corps, 1879) est l'homme qui apprit à Léon Bloy, à Ernest Hello et à quelques autres à déchiffrer le symbolisme des Écritures et les hiéroglyphes de l'Histoire. Sa mort étrange plongea ses amis et ses disciples dans un si terrible silence qu'ils se virent incapables d'écrire le récit de sa vie. Depuis cent quarante ans, toutes les tentatives ont été vouées à l'échec : « l'abbé de Moidrey voulait demeurer dans l'ombre », déplore son petit-neveu le poète Bernard de Moidrey. De fait, il préféra l'ombre du cloître et des confessionnaux à la lumière décevante des succès mondains. Le XXe siècle a su les larmes de Léon Bloy et a lu certaines des plus belles pages de l'écrivain directement inspirées de la parole de ce « prêtre supérieur ». Le seul livre qu'ait écrit l'abbé, Le Livre de Ruth, passé inaperçu en 1871, fut redécouvert et republié par Paul Claudel, qui le fit précéder d'une monumentale introduction. Mais l'homme restait absent et ses influences demeuraient obscures. Ce volume contient une biographie, une édition critique du Livre de Ruth et de l'ensemble des textes, publiés ou inédits, connus à ce jour, ainsi qu'un ensemble de documents.
Ce volume, issu d'un colloque international qui s'est tenu à Reims, les 3 et 4 décembre 2009, a été conçu non comme une simple juxtaposition de communications, mais comme un véritable ouvrage qui puisse satisfaire les besoins des spécialistes du sommeil, de la médecine et de la philosophie, des littéraires, des historiens, en particulier des historiens de l'art, et plus largement d'un public cultivé. Les interventions ont été complétées par plusieurs articles et par des synthèses introductives et réparties selon un ordre à la fois chronologique et thématique. Une première section est consacrée aux philosophes antiques, des Présocratiques à Macrobe ; une seconde aux médecins, d'Hippocrate aux médecins de la Renaissance, et la troisième section réunit des articles portant sur des philosophes humanistes. Si elles répondent à un véritable desideratum de la recherche scientifique, les questions abordées dans ce livre concernent tout un chacun et nous espérons que les insomniaques y trouveront des recettes inédites.
Cette anthologie a pour but de témoigner du rôle joué par la langue française en Hongrie. Du Moyen Âge au début du XXe siècle sa présence s'étend, son usage se diversifie. D'abord limitée à des documents diplomatiques, elle touche la littérature, sert de support à la propagation des idées, des engagements politiques. Elle s'immisce enfin dans la sphère de l'intime. Cette évolution signifie sa puissance d'attraction. Ce développement a pour corollaire une variété des formes. Les traités entre États rédigés en français montrent une volonté de reconnaissance de la nation hongroise menacée. Les recours aux emprunts littéraires, les pastiches puis les traités philosophiques entérinent des échanges plus profonds, ceux de la culture et de la pensée. Enfin, les correspondances, les mémoires, les billets de circonstances annoncent une volonté d'appropriation de la culture que la langue véhicule.
Jan Amos Coménius-Komenský (1592-1670) est le Tchèque le plus célèbre dans son pays et dans le monde. Théologien réformé, évêque de l'Unité des Frères Moraves, pédagogue génial, philosophe pansophe réputé, il fut aussi un écrivain polyvalent et prolifique, toujours et partout lu, traduit et commenté.
Ce livre examine l'histoire mouvementée des rapports des Français avec Coménius, depuis 1631, où Jean Anchoran le fit connaître en traduisant en anglais et en français sa Janua Linguarum Reserata. Celle-ci devint pour longtemps l'idole du public cultivé français et la pansophie son espoir de salut. Le père Mersenne, Descartes et le Cardinal de Richelieu comptent parmi ses correspondants.
Cependant, le mysticisme du pansophe, l'intolérance religieuse en France croissant sous Louis XIV, la critique dévastatrice de Bayle dans le Dictionnaire Historique et Critique (1697) et les transformations de la société européenne au siècle des Lumières, suscitèrent le désenchantement graduel des Français pour ses idées et l'oubli de sa pensée. Le renouveau d'intérêt pour son oeuvre ne commence vraiment que vers 1870, bicentenaire de sa mort, grâce à Michelet et surtout à Durkheim. Le premier consacre dans Nos Fils un chapitre entier au « Galilée de l'éducation ». Le second retrace à la Sorbonne de 1903 à 1914 la naissance de la pédagogie grâce au réformateur tchèque (1938). La réhabilitation de Coménius s'accélère après la 2e Guerre mondiale, avec la traduction de sa Didactica Magna en français par Piobetta (1952) et « l'année internationale Coménius » déclarée par l'Unesco en 1992. Depuis elle ne cesse de progresser en dépit du danger grandissant qui menace de nouveau l'héritage de celui que Herder appelle (1793) «un des plus grands penseurs de son siècle » et un des « anges gardiens de l'humanité ».